Elle fait tout comme il faut pour être une femme, une mère et une entrepreneure. Comme notre culture l’exige. Mais dans le silence de son cœur, Marie se sent coupable. Elle ne voit pas son fils autant qu’elle le voudrait…
Mais ça va, allez! Le temps qu’elle passe avec son fils n’est-il pas un temps de qualité?
Durant ce temps si précieux avec son petit, Marie veut que tout se passe bien. Après tout, ça le dit : du temps de qualité! Ce sera un coin de ciel bleu dans la tornade de sa vie! Elle ne veut pas se disputer avec son fils, alors elle tolère de petits écarts. Oui, il lance sa nourriture… et puis après? Elle ne veut pas le faire pleurer, alors elle finit par céder sur certaines choses. Est-ce que c’est si grave que ce soit moi qui ramasse les jouets à sa place? Elle rallonge le rituel du dodo tant qu’il le demande : une autre chanson, une autre histoire, encore une petite minute… Qu’est-ce que ça change, au fond, qu’il se couche un peu plus tard?
Il a toute son attention. Elle ne lui refuse rien, à moins que cela soit vraiment important. Mais c’est quoi l’important quand on croit que la frustration nuit au bonheur d’un enfant?
Alors, comme tous les enfants, le petit finit par pleurer, évidemment. Ce temps de qualité censé être parfait se transforme en lutte, en négociations et en crises. Alors, Marie-la-funambule tombe de son fil dans une rivière de culpabilité corrosive. On se sent coupable des pleurs, comme si le sourire béat d’un enfant était la preuve qu’on est un bon parent. Ça ne l’est pas.
Comme si chaque seconde devait distiller un sentiment de bonheur permanent pour être valable. On se sent coupable parce qu’on est fatigués et que ça ne nous tentait pas finalement ce soir… et sûrement qu’il l’a senti! Rendus là, nous sommes prêts à renoncer complètement à notre autorité parentale. Ce soir, on n’a pas l’énergie qu’il faut! On abandonne le cadre et le petit se retrouve en chute libre. Plus rien ne le contraint. À la fin de la soirée, écrasés dans le sofa, épuisés après 55 minutes de combat pour qu’il reste enfin dans son lit, on se sent quand même coupables. Chaque soir, le même scénario ou presque.
Alors, dites-moi si j’ai bien compris… on nous a fait avaler l’idée du temps de qualité pour tenter de faire passer la culpabilité que nous ressentons à devenir la femme-autonome-sur-le-marché-du-travail que notre culture valorise. Mais la culpabilité nous fait renoncer de plus en plus à exercer notre autorité de parents, espérant ainsi augmenter la qualité de ce temps justement. Privés d’une autorité solide, les enfants manifestent de plus en plus d’anxiété, ce qui se traduit par de plus en plus de crises. Et ces crises génèrent une nouvelle vague de culpabilité chez le parent qui veut du temps de qualité avec ses enfants.
Heu… y’a pas quelque chose qui cloche dans tout ça?