Famille

Le sentiment de culpabilité parentale

Vous est-il déjà arrivé d’avoir l’impression de ne pas passer assez de temps avec votre enfant, ou de vous sentir inefficace face aux techniques recommandées par les experts?

Comme beaucoup de parents, vous vivez peut-être de la culpabilité parentale.

La culpabilité est devenue dans les dernières années une émotion très fortement associée à la parentalité. Bien que le degré d’intensité ressenti varie d’un individu à l’autre, cette émotion affecte à la longue les attitudes parentales, l’estime de soi et peut même mener à vivre de l’anxiété. Le phénomène des « mères indignes » que l’on retrouve sur différents médias sociaux n’y est pas étranger. Au contraire, il semble présenter au grand jour cette tendance à associer la maternité et culpabilité.

Les mères qui se sentent coupables ont tendance à se considérer comme les uniques responsables du développement de leur enfant. Elles peuvent aussi avoir tendance à entretenir des exigences élevées face à elles-mêmes, ce qui les fait se sentir inadéquates (Liss, Shiffrin & Rizzo, 2 012). Historiquement, les mères sont reconnues comme les donneurs de soins principaux des enfants, ce qui peut expliquer en partie le fait qu’elles se sentent plus souvent coupables que les pères. Il serait cependant faux de penser que la culpabilité a un genre, certaines mères en ressentent peu alors que des pères peuvent en ressentir davantage. Des variables sociologiques et psychologiques expliquent davantage le sentiment de culpabilité parentale que le sexe du parent.

Un phénomène social

Les dernières décennies ont été marquées par une multitude de changements dans notre façon de percevoir la famille et ses membres : conciliation travail-famille, manque de temps, apparition de différents modèles familiaux, etc. Un autre facteur joue un rôle central dans la façon dont le parent vit sa parentalité : la vie privée qui devient une vie publique (Lalande, 2 012). Avant, le modèle familial était celui où le parent avait tous les droits, ce qui a pu mener à des abus et donc donné naissance à la formation de réglementations et de lois protégeant l’enfant. Ces lois et réglementations ont ouvert le chemin à plus de connaissances, d’échanges, de soutien et d’analyse des pratiques parentales. Aujourd’hui, le modèle familial véhiculé est démocratique, à l’écoute des besoins de l’enfant, de ses parents et en lien avec les connaissances actuelles de son développement.

Le concept de vie publique lorsqu’on réfère à la parentalité implique aussi les informations présentées dans les médias, véhiculées par les experts, ainsi que l’évaluation de la parentalité et de l’enfance telle que faite par les médias sociaux. Les connaissances ont mené à une responsabilité parentale plus importante dans la manière d’éduquer son enfant ainsi qu’à une « psychologisation massive du regard », qui vise à intégrer certains standards d’une « bonne » ou d’une « mauvaise » parentalité (Brandidas, 2 014). Le parent peut alors sentir que ses compétences parentales sont évaluées. Les médias, les amis, la parenté propagent leurs opinions et certains parents peuvent s’en ressentir davantage, ce qui mène au développement, entre autres, de la culpabilité.

Un phénomène psychologique individuel

Pour une situation identique, deux parents peuvent ressentir des émotions complètement différentes. Si on prend un exemple où fiston fait une crise au restaurant : il crie, pleure et réussi à jeter des ustensiles par terre. Toute émotion alors ressentie par le parent est valide. Il n’existe pas une émotion qui serait plus adaptée qu’une autre à ce moment (comme dans n’importe quelle situation), mais comment expliquer que le Parent A se sente en colère contre fiston alors que Parent B se sent humilié et honteux? Deux explications sont possibles : le contexte qui influence la perception des évènements et des facteurs psychologiques inhérents au parent. En effet, la perception du parent sera différente s’il s’agit par exemple de la quatrième crise de fiston aujourd’hui ou encore si les clients du restaurant se plaignent de la crise. De plus, certains facteurs individuels vont faire en sorte qu’un parent sera plus susceptible de vivre de la culpabilité qu’un autre, entre autres sa personnalité (plus particulièrement le niveau de ses standards et exigences) ainsi que son estime de soi. 

Une étude américaine réalisée auprès de mères d’enfants de moins de cinq ans montre l’effet des exigences élevées face à la maternité et leurs effets psychologiques sur la mère, entre autres la culpabilité et la honte (Liss, Schiffrin, & Rizzo, 2 012). Cette étude a ciblé le lien entre la culpabilité ressentie par ces dernières et la peur de vivre une évaluation négative de leurs habiletés parentales par leur entourage. L’estime de soi, c’est l’ensemble des pensées que j’ai face à moi-même, comment l’individu évalue sa valeur personnelle et comment il se sent avec ses pensées (André, 2 009).

Se questionner sur nos interventions parentales ou s’autoévaluer n’est pas une mauvaise chose en soi, bien au contraire, mais comme pour n’importe quelle sphère de vie, on ne souhaite pas qu’elle devienne la sphère principale de valorisation. Un individu avec une estime de soi positive investit plusieurs sphères de vie (exemple : les relations sociales, la vie familiale, le travail, les loisirs, etc.). Ainsi, si les perceptions de la parentalité prennent une place dominante, le parent se met à risque dans un cas où il n’est pas satisfait dans sa parentalité, qu’elle ait davantage d’effet sur comment il se sent face à lui-même.

Pistes pour gérer la culpabilité parentale

La reconnaître
S’observer et se questionner sur ce que vous ressentez face à vos habiletés parentales et vous-même comme parent. Se poser les questions suivantes : Comment je me sens? Quel est le déclencheur de mon émotion? Pourquoi je me sens coupable? Comment cela affecte-t-il mes comportements?

Aller chercher des informations auprès de sources fiables
Le parent peut avoir tendance à se sentir coupable s’il remarque que ses interventions ne donnent pas les résultats attendus. Assurez-vous que les sources qui vous ont fourni des informations sur vos interventions sont adéquates, correspondent aux besoins de votre enfant et les vôtres et qu’elles sont appuyées par des études ou un ordre professionnel.

Se faire confiance
Les études montrent que si les parents mettent la comparaison de côté et qu’ils se font confiance, ils ont un bon instinct pour détecter si quelque chose ne va pas chez leur enfant.

Diminuer la comparaison
Ne pas se comparer comme parent ou comparer les enfants entre eux. Trouvez des points de repère et des barèmes individuels plutôt que des points de comparaison chez les autres. Après tout, pourquoi les barèmes des autres seraient-ils meilleurs que les vôtres?

Respecter votre rythme et celui de votre enfant
Trop de stimulation peut interférer avec son sommeil, qui est primordial pour les tout-petits, entre autres afin de consolider leurs apprentissages. Chez l’adulte, le sommeil est tout aussi important. Une carence en sommeil rend plus sensible entre autres à la déprime et à l’anxiété. Vous permettre d’être reposée fera de vous un parent plus à l’écoute et davantage réceptif aux besoins de son enfant.

Références
  1. André, C. (2009). Imparfaits, libres et heureux, pratiques de l’estime de soi. Éditions Odile Jacob.
  2. Brandidas, G. (2014). Accueil et temps d’adaptation de l’enfant : quelles articulations entre parentalité et professionnalité? Spirale, vol 69, pp.103-112.
  3. Lalande, D. (2012). La parentalité des mères mise à l’épreuve sociale. Mémoire de maîtrise en travail social réalisé à l’Université du Québec à Montréal.

Liss, M.,  Shiffrin,H., H.,  & Rizzo, K., H. (2012). Maternal guilt and shame, the role of self-discrepancy and fear of negative evaluation. Journal of child and family studies, Vol 22, pp. 1112-1119.

Mélanie Laberge
Ph.D., Psychologue

Mélanie Laberge est psychologue, mais avant tout maman! Ses expériences liées au développement de l’enfant et de l’adolescent lui permettent d’offrir des services à toute la famille. Elle offre du support et du coaching aux parents pour qu’ils se sentent outillés afin d’aider leur enfant. Elle fait aussi de la thérapie cognitive comportementale avec les enfants, les adolescents et les adultes qui vivent des problématiques telles que l’anxiété, la dépression et les troubles des conduites alimentaires. Enfin, elle collabore à titre de psychologue à un projet de recherche à l’Institut universitaire de santé mentale de Montréal.


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