L’adulte agressif et violent n’a pas eu d’adultes dans son enfance pour lui apprendre à dire, à mettre des mots sur ses émotions. Il continue d’utiliser des gestes blessants lorsqu’il est blessé pour dire ce qu’il ressent.
Lorsque votre enfant est en colère et vous frappe, plutôt que de dire « Tu n’es pas gentil, va te calmer dans ta chambre » vous pourriez dire « Tu m’as l’air très fâché, dis-le-moi avec des mots plutôt qu’en frappant. » Puis demandez-lui de réparer son geste. Lorsqu’une agréable activité doit cesser et que votre enfant est frustré, plutôt que lui dire : « Tu n’es jamais content, » dites-lui « Tu es frustré de quitter le parc. Tu aurais aimé continuer à jouer. » À l’enfant de deux ans qui pleure tous les matins pour ne pas aller à la garderie nous pourrions lui dire : « C’est dur d’avoir deux ans et de quitter papa et maman tous les jours pour la garderie. » Il se sent compris, important et aimé et acceptera plus facilement d’être séparé de vous pour la journée.
… ses besoins, les miens
Si nous souhaitons que nos enfants apprennent à satisfaire adéquatement leurs besoins, il faut d'abord les aider à les reconnaître. Lorsqu’un enfant est turbulent dans la voiture, je peux lui dire : « Tu as besoin de t’exciter, mais c’est dangereux lorsque je conduis. Pour notre sécurité, j’ai besoin de tranquillité. Serais-tu d’accord pour rester calme et j’arrête dès que ce sera possible pour que tu puisses courir quelque part? » La prochaine fois qu’il voudra s’exciter, il y a de fortes chances qu’il dise : « J’ai besoin de m’exciter, peut-on s’arrêter bientôt? » Vous lui aurez appris à nommer son besoin. « Tu as besoin de me raconter quelque chose, je dois maintenant préparer le repas, ta sœur pleure… Serais-tu d’accord pour attendre après le souper afin que je prenne tout mon temps pour t’écouter? », « Tu as besoin de te calmer avant d’aller dormir. », « J’ai besoin de ta collaboration pour ranger la maison. As-tu des idées de comment nous pourrions le faire en nous amusant? », « J’ai besoin d’aide pour le repas. », « J’ai besoin d’harmonie durant le repas. Avez-vous des suggestions pour y arriver? », « J’ai besoin d’appréciation pour les repas que je vous prépare. Ça me fait plaisir quand vous aimez ça et me le dites et ça me donne envie d’en préparer d’autres. » À votre enfant d’âge scolaire, vous pourriez dire : « J’ai besoin de savoir où tu vas et quand tu rentreras. », « J’ai besoin d’être rassurée sur tes efforts en mathématiques » puisque nous sommes des modèles, plus grande est notre capacité à exprimer nos sentiments, émotions et besoins plus grande sera la sienne aussi.
… les sentiments et les émotions
Lorsque nous sommes capables d’entendre, d’accueillir les sentiments d’un enfant et de l’aider à les nommer, nous l’aidons à mieux se sentir. Lorsque l’enfant se sent bien, il se comporte bien. Vous a-t-on déjà dit quelque chose de ce genre? « Tu n’as pas à te sentir coupable » ou « Tu ne peux pas être fatiguée, tu arrives de vacances. » La réalité, c’est que je vis un sentiment de culpabilité ou que je me sens fatiguée. Peut-on se débarrasser de ces sentiments parce que quelqu’un prétend que nous n’avons pas à nous sentir ainsi? Non seulement nous restons envahis par ce sentiment, mais en plus on se sent incompris.
Parfois en tant que parents, nous croyons mieux savoir que notre enfant ce qu’il ressent. Par exemple lorsque votre enfant vous dit qu’il n’a pas faim et que vous répondez « Tu dois avoir faim, tu n’as pas mangé depuis ce matin. » Voyez la nuance : « Tu n’as pas faim malgré que tu n’aies pas mangé depuis ce matin. » Il se sent compris et en plus il apprend à reconnaître en toute confiance son ressenti. Lorsque je prétends qu’il n’a pas raison de se sentir ainsi, il sera confus, ne saura plus reconnaître ce qu’il ressent.
Lors de l’arrivée d’un deuxième enfant, il arrive que le premier n’accepte pas la venue du bébé. Le parent va prétendre : « Mais oui tu l’aimes. Regarde comme il est mignon. » La réalité de l’aîné est tout autre et dans sa tête le cadet prend de la place, la sienne et il en est malheureux. En ayant de l’ouverture sur cet état, il se sentira compris et acceptera davantage l’arrivée d’un frère ou d’une sœur. Lorsque votre enfant d’âge scolaire est déçu suite à l’annulation d’une activité qu’il devait partager avec un ami, plutôt que dire « Appelle un tel » je suggère de dire : « C’est vraiment décevant avec tout ce que vous aviez projeté. » Tentez la chance que l’enfant lui-même trouve la solution de remplacement. Vos mots l’auront en quelque sorte libéré. Quand j’accueille les sentiments d’un enfant, je lui permets d’être en contact avec ce qu’il ressent intérieurement, en arrimage avec sa propre réalité. Vous lui permettez de se responsabiliser et d’entrevoir des solutions à sa difficulté. Quand nous nous sentons compris, la confusion s’estompe et nous prenons bien en main notre sort.
Apprendre à votre enfant à mettre des mots, à dire ce qui l’habite et l’anime lui permettra de vivre des relations plus authentiques, plus saines et plus satisfaisantes tout au long de sa vie. De plus, si nous sommes respectueux des différences de notre enfant et de ses sentiments, il sera enclin à être respectueux des nôtres. Deux personnes distinctes peuvent avoir des sentiments distincts. Aucun n’a tort ou raison. Chacun ressent ce qu’il ressent. Le droit à la différence, quel bel héritage à transmettre à nos enfants!