Comment développer chez les enfants une écoute critique des émissions de télévision
Ouvrir son esprit aux exigences de la communication et à la différence, voilà des éléments qui devraient entrer en ligne de compte dans l’apprentissage du penser-parler chez l’enfant. Dans cette optique, l’approche de Philosophie pour enfants est un moyen pertinent qu’il convient d’exploiter.
La Philosophie pour enfants (PPE)
L’approche de Philosophie pour enfants (PPE) conçue par Matthew Lipman et son équipe du Montclair State University (N.J.) est utilisée dans 50 pays et son matériel est traduit en 20 langues. Plusieurs études montrent que l’utilisation régulière de la PPE a des impacts positifs, entre autres, sur le développement de la pensée critique des jeunes et qu’elle favorise chez ces derniers une capacité à s’engager dans un dialogue avec leurs pairs. Le matériel est composé de contes philosophiques (pour les petits) et de romans philosophiques (pour les jeunes de 6 à 15 ans).
Les Contes d’Audrey–Anne est un recueil de 16 contes philosophiques adaptés aux enfants du préscolaire. Les Contes d’Audrey-Anne sont dits philosophiques en ce qu’ils favorisent le questionnement des concepts ouverts pour lesquels il n’existe pas une réponse unique et sur lesquels les enfants sont invités à réfléchir : Qu’est-ce qu’une personne? Les enfants ont-ils des droits? Qu’est-ce qu’un ami? Quelles sont les différences entre prêter, donner et partager? Qu’est-ce que la colère, la joie, la tristesse? Qu’est-ce qu’une bonne raison? Etc.
Comment utiliser la PPE?
- L’adulte lit un des contes aux enfants.
- Les enfants sont ensuite invités à poser des questions « philosophiques » (Pourquoi?, Que veut dire?, etc.) que la lecture leur a inspirées et dont ils aimeraient discuter.
- Les enfants tentent de répondre ensemble à la question qu’ils ont choisie et, pour ce faire, ils sont amenés à dialoguer.
Le dialogue ne vise pas à faire raconter aux enfants des situations personnelles, mais plutôt de les inciter à réfléchir aux concepts relatifs à ces situations. Prenons le cas où un enfant constate que son ami a déchiré son dessin. Certaines approches suggèrent de faire verbaliser l’enfant (« Moi, mon ami m’a fait de la peine quand il a déchiré mon dessin ») et ainsi de se pencher sur la peine de « je », causée par « tu » ou par « il ». De façon différente et complémentaire, la PPE suggère de poser aux enfants des questions conceptuelles afin de les faire réfléchir de façon plus générale sur la situation :
- Qu’est-ce qu’un ami? Est-ce facile d’être l’ami de quelqu’un? Pourquoi?
- Est-il possible de se chicaner avec un ami? Pourquoi?
- Est-ce que déchirer un dessin est un geste gentil?
- Quelles sont ses conséquences possibles?
- Qu’est-ce que la tristesse? Qu’est-ce que la colère?
- Quelles sont les ressemblances et les différences entre la colère et la tristesse?
Ainsi, au fil de leur réflexion philosophique (conceptuelle), les enfants sont amenés à comprendre non seulement l’action qui est en jeu, mais à en saisir les tenants et aboutissants; ce faisant, ils peuvent commencer à comprendre le monde qui les entoure et à acquérir les outils pour le contrôler plutôt que le subir.
Dans son concept original, la PPE a été conçue pour être utilisée avec un groupe d’enfants (en garderie, en classe de maternelle…). Cependant, il est tout à fait possible que les parents utilisent cette approche quand ils sont seuls avec leur enfant.
L’enfant critique devant la télévision
D’une part, la télévision fait désormais partie du quotidien des enfants. D’autre part, de nombreuses études démontrent que les médias influencent (de façon parfois positive, parfois négative) la façon de penser et d’agir des enfants. Aussi, il convient d’aider ces derniers à écouter de façon critique leurs émissions préférées. Voici une activité qui pourrait avoir lieu à la maison, sous la supervision d’un parent.
Le seul accessoire nécessaire : un téléviseur. Dans un premier temps, le parent permet à l’enfant d’écouter son émission de télévision préférée. Dans un deuxième temps, le parent entame une discussion « philosophique » avec son enfant à l’aide des questions ci-dessous (qui font travailler toutes les composantes d’une pensée critique). Naturellement, la formulation des questions devra être adaptée à l’âge de l’enfant par son parent.
Questions reliées à la compréhension de l’émission (favorisant le développement d’une pensée logique)
- D’après toi, quels sont les principaux personnages et les personnages secondaires de l’émission?
- Quels sont le rôle et l’importance de chacun?
- Quel problème vivent les personnages dans cette émission?
- Peux-tu expliquer les causes du problème?
- Peux-tu en expliquer les conséquences sur chacun des personnages?
Questions reliées à la correction de son point de vue (favorisant le développement d’une pensée métacognitive
- Qu’as-tu ressenti à tel moment de l’émission? Explique-toi.
- Quels mots ou quels gestes des personnages t’ont conduit à comprendre l’histoire de cette façon?
- Est-ce que le fait d’en parler avec moi a pu t’aider à mieux comprendre l’histoire? Explique pourquoi.
Questions reliées à la transformation du contenu de l’émission (favorisant le développement d’une pensée créative)
- Imagine une histoire semblable, mais différente (plus drôle, moins effrayante…) de celle qui est présentée dans l’émission.
- Imagine un début à l’histoire qui est différent de celui qui a été présenté dans l’émission.
- Imagine une fin à l’histoire qui est plus amusante (plus dramatique, plus juste, plus effrayante…
Questions reliées à la catégorisation des actions des personnages de l’émission (favorisant le développement d’une pensée responsable)
- Est-ce que dans cette émission, tous les personnages sont respectés également (personnes âgées, enfants, garçons, filles, immigrants, animaux, végétaux…)? Explique-toi.
- Les règlements (consignes…) qui sont proposés dans cette émission sont-ils justes pour tous les personnages? Explique-toi.
La PPE n’est pas de la magie, elle ne transformera pas instantanément les enfants en penseurs critiques, mais une pratique régulière des discussions philosophiques à propos de leurs émissions de télévision peut grandement contribuer à faire des enfants des récepteurs critiques et non passifs.