Une rencontre qui ébranle!
Je suis allée à la conférence du Dr Michel Odent le 30 mars 2007. Pour ceux et celles d’entre vous qui ne connaissent pas Michel Odent, je vous le présente en quelques mots. Michel Odent est un grand obstétricien français qui a changé le monde de la naissance à l’hôpital de Pithiviers en France. Il a fait la promotion de la « naissance sans violence » (idée originale de Frédéric LeBoyer) et a suggéré la naissance dans l’eau. Il est maintenant à la retraite, quoiqu’il pratique encore à Londres où il assiste à des naissances à la maison avec sa « doula », son assistante à la naissance préférée. Le thème de sa conférence portait sur « les enjeux de la grossesse, de l’accouchement et de l’allaitement ». Le Dr Odent a parlé de l’effet des hormones sécrétées par le cerveau pendant ces trois étapes de la vie sexuelle d’une femme. Les principales hormones dont il nous a parlé sont :
- L’ocytocine ou l’hormone de l’amour : cette hormone qui est sécrétée pendant les contacts amoureux, est aussi nécessaire pour qu’une femme commence à avoir des contractions que pour créer le lien d’attachement avec son bébé dès son expulsion. Dès les premières secondes de vie du bébé, la "symbiose" maman-bébé commence, puisque les deux sécrètent de l'ocytocine. Tout de suite après la naissance, cette hormone est nécessaire au réflexe d’éjection du lait maternel.
- L’adrénaline : cette hormone est sécrétée lorsque l’on ressent des tensions. Selon plusieurs recherches, l’adrénaline est un antagoniste de l’ocytocine, c’est-à-dire que lorsque l’on sécrète de l’adrénaline, on ne peut sécréter de l’ocytocine!
Mais ce que le Dr Odent a principalement abordé, ce sont les trois éléments dont une femme a besoin pour donner naissance. Soit :
- De décrocher de la fonction du nouveau cerveau ou « néocortex », d’entrer dans sa bulle et de ne pas réfléchir;
- D’être dans un environnement chaleureux, de ne pas avoir froid, avec des lumières très tamisées, voire éteintes;
- De ne pas se sentir observée et d’être entourée
- d’une personne très maternelle.
L'oxytocine est la clé
Le Dr Odent affirme que si les femmes en 2007 pouvaient retrouver ces trois éléments essentiels avant de donner naissance, elles sécréteraient de l’ocytocine en quantité suffisante, et au moment approprié, et elles vivraient des accouchements beaucoup plus sereins. Il a également observé que lorsqu’une femme qui est en travail a peur, qu’elle se sent observée ou qu’elle a trop d’instruments médicaux branchés sur elle, son cerveau sécrète de l’adrénaline au lieu de l’ocytocine, ce qui tend à inhiber l’accouchement. Si elle se sentait bien et en sécurité, elle n’aurait pas à se retrouver dans cette situation, où encore « branchée » sur le néocortex et qui fait qu’elle n’arrive pas à sécréter l’ocytocine. C’est pour cela qu’il serait important de revenir aux réflexes naturels pour accoucher. Il ne faudrait pas que l’on pense qu’il nous faut réfléchir. Il faudrait être comme tous les autres mammifères qui n’ont pas de néocortex! Soit, oublier que nous « pensons » et laisser faire la nature.
Lorsqu’une femme entre dans sa bulle pendant l’accouchement, elle ne veut pas qu’on lui pose de questions, elle décroche et part dans un autre monde. Ces femmes qui réussissent à être dans leur bulle et à décrocher de leur néocortex peuvent donner naissance en moins de six heures. Selon Michel Odent, toutes les femmes vivant une grossesse normale et sans complication, même celles qui accouchent d’un premier bébé, pourraient donner naissance aussi rapidement, si leur environnement était propice à l’accouchement.
La question clé que le Dr Odent énonce pour relier tous les enjeux et les effets des hormones sur l’accouchement est : « Est-ce que l’on veut prévenir la violence ou plutôt développer la capacité d’aimer? »
Le lien d'attachement est en jeu
Ce que j’ai appris ce jour-là m’a vraiment remise en question. Étant donné ma formation d'instructrice en massage pour bébé, je savais que l’ocytocine était « l’hormone de l’amour » puisqu’il est essentiel d’en sécréter pour s’attacher à son bébé. Les massages pour bébé favorisent beaucoup le développement du lien d’attachement entre le parent et son bébé. Je savais également, de par ma formation d’accompagnante à la naissance, que cette hormone était nécessaire au déclenchement des contractions. Si les femmes n’en sécrètent pas par elles-mêmes, dans les délais alloués par le gynécologue ou l’omnipraticien traitant, elles doivent subir une induction (provoquer ou déclencher le travail) en se faisant installer un soluté avec une certaine concentration d’ocytocine synthétique (pitocin ou syntocinon). L’induction ne devrait pas être pratiquée avant la 42e semaine de grossesse, si le fœtus se porte bien, si le placenta remplit toujours ses fonctions, et que la quantité de liquide amniotique est encore bonne.
Ce qui m’a le plus étonnée a été d’apprendre que lorsque l’ocytocine n’est pas sécrétée naturellement cela interfère avec la fonction bienfaisante du processus d’attachement de la maman envers son bébé. Physiologiquement, nous savons que lorsque les poumons du bébé sont arrivés à maturité, ceux-ci libèrent des substances dans le liquide amniotique, dans le placenta. Ce n’est qu’après ce « message » venu du bébé que le cerveau de la mère entre en processus physiologique et se met à sécréter de l’ocytocine pour avoir des contractions. Ce qui veut dire que lorsque l’on nous injecte du pitocin ou du syntocinon dans les veines, nous n’avons pas la chance de sécréter naturellement notre propre ocytocine pendant l’accouchement. Celles d’entre nous qui ont dû subir une induction, comprennent maintenant pourquoi à la naissance de leur bébé elles n’étaient pas nécessairement « gagas », mais plutôt en état de choc.
Ce que dit Michel Odent, c’est essentiellement de revenir aux sources, de faire comme on faisait auparavant, d’humaniser les naissances, de permettre aux femmes de moins sécréter d’hormones de la famille de l’adrénaline pendant la grossesse, l’accouchement et les débuts de l’allaitement. Selon le Dr Odent, plus on sécrète de l’ocytocine pendant la période qui entoure la naissance, plus on prévient la violence et plus on développe la capacité d’aimer!
Oxytocin in maternal, sexual and social behaviors. Perdersen CA, et al. Edit. Annals of the New York Academy of Sciences. 1992 ; vol. 652
Livres de Michel Odent
- L’amour scientifié, Éditions Jouvence, 2001
- La césarienne : questions, effets, enjeux, Éditions Souffle d’Or
- Le fermier et l’accoucheur, Éditions Médicis, 2004
Par Marlene Lavoie, intervenante