« L’agressivité chez l’enfant est normale, affirme Sylvie Bourcier, cependant les problèmes de comportements agressifs persistants dans la petite enfance sont de bons indices d’une future délinquance. »
Mathieu veut le camion. Il pousse Gabriel au sol et le lui enlève. Au terrain de jeu, Sophie s’emporte et lance du sable à l’enfant qui a pris son ballon…
Tous les jours, dans les garderies du Québec, de telles scènes se déroulent sous les yeux des éducatrices, qui s’efforcent de pacifier les querelles et d’apprendre aux enfants à exprimer leur frustration ou leur colère autrement que par des gestes violents. « L’agressivité chez l’enfant est normale. C’est une énergie vitale qui assure notre survie, affirme Sylvie Bourcier. Les cris et les pleurs d’un bébé affamé sonnent par exemple l’alarme et lui permettent d’assouvir ses besoins. »
Professeure au Certificat en petite enfance et famille : intervention précoce, de l’Université de Montréal, elle n’en croit pas moins à l’influence de l’éducation pour enseigner à l’enfant à tempérer son agressivité. En fait, il est essentiel d’agir tôt, avant que les patrons de comportements violents s’ancrent trop profondément. « Je ne connais pas de cas d’adolescents qui seraient subitement devenus agressifs sans l’avoir été au cours de l’enfance », prévient Mme Bourcier, qui vient de publier un petit guide sur le sujet à l’intention des parents « qui veulent comprendre les gestes de leur enfant et se doter de pistes d’action pour soutenir leur développement social ».
Selon plusieurs experts dans le domaine, si l’on n’intervient pas, les tendances agressives précoces des enfants risquent de devenir persistantes vers huit ans. À cet âge, les jeunes avec des troubles du comportement et des difficultés d’apprentissage sont moins sensibles à l’intervention et davantage susceptibles de développer un trouble chronique. Bref, les bandes de jeunes que nous craignons à l’école secondaire naissent lorsqu’on n’apprend pas aux bambins à ne pas frapper. « Non seulement les problèmes de comportements agressifs persistants dans la petite enfance sont de bons indices d’une future délinquance, mais ils font aussi partie des grands facteurs de risque quant à la réussite scolaire », écrit l’auteure de L’agressivité chez l’enfant de 0 à 5 ans.
Bien qu’il s’agisse de trajectoires très documentées par la recherche, on ne doit pas y voir un déterminisme qui condamnerait déjà à cinq ans les enfants agressifs en les étiquetant comme de futurs délinquants. « On parle de risques accrus, souligne Sylvie Bourcier, et non de causes à effets inéluctables. »
Ainsi, certains enfants montrent une grande force de caractère dès la naissance. S’ils sont élevés dans un milieu qui les encadre, ils apprennent à maitriser leur agressivité et peuvent devenir très sociables et dynamiques… Les chefs de file de demain. Chez les enfants qui n’ont pas appris à se contenir, les effets se font sentir dans tous les aspects de leur existence, car leur comportement est lié à un faible rendement scolaire, à la solitude et à l’insécurité, qui peuvent durer toute la vie.
Son guide regorge de conseils pour aider l’adulte à « canaliser et mobiliser positivement l’énergie brute de l’enfant » selon les types de comportements agressifs. Laissons parler la table des matières : « Antidotes aux comportements agressifs », « Les mordus de la morsure », « Il frappe, pousse, pince », « L’enfant en colère : les crises », « L’opposition », « L’agressivité verbale », « Chamailleries et batailles au sein de la fratrie », etc.
L’agressivité chez l’enfant de 0 à 5 ans, Sylvie Bourcier, Éditions du CHU Sainte-Justine, 2008, 220 p., 14,95 $. ISBN : 9782896191253.