Au pays des hommes intègres

Djenneba:

Merci tout d'abord de me répondre. Je parle fréquemment de la naissance sans artefact, de la prise de possession de ce moment intense de bonheur qu'est l'accueil de son enfant dans "tout ce que ça comporte". Mais ce qui est a réaliser ici c'est que en plan B il y a toujours la présence d'un milieu hospitalier dans le décor. La médecine moderne et tous ses avantages ne sont jamais réfuté entièrement car on a la chance et l'immense privilège d'y avoir droit sans aucune autre condition que le besoin immédiat!!

Et que penser de l'excision... Moi qui tente d'amener les gens à prendre conscience des choix qui s'offrent à eux dans la vie, je suis sans mots devant cette réalité qui augmente de surcroît la mortalité des femmes en âge d'enfanter dans les milieux où cela est pratiqué. Ça fait partie des choses que mon imagination se refuse à généraliser...

Merci de nous répondre les filles.

En quoi consiste vos occupations familiales et personnelles quotidiennes? 

Accouchement :
Les différents facteurs rendant l'accouchement difficile sont :

L'accouchement à domicile non assisté (97% des accouchements au Mali).
L'éloignement des centres de soins pouvant, par exemple, pratiquer rapidement une césarienne.
L'excision, qui accroît également le risque. Cette mutilation crée des cicatrices en bourrelet qui rendent la dilatation du vagin difficile et compliquent l'accouchement.
Le mariage précoce, qui constitue un autre facteur aggravant dans la mesure où les organes ne sont pas encore prêts pour un accouchement.

La cause la plus manifeste de la mortalité maternelle au Mali est l'état déplorable des infrastructures de santé qui rend les soins obstétriques inaccessibles à beaucoup de femmes, particulièrement dans les zones rurales

risque de décès lors de la grossesse et de l'accouchement est inadmissiblement élevé : environ une femme sur 19 meurt des suites d'une grossesse au Mali et les complications dues à la grossesse et l'accouchement sont la cause d'un tiers des décès chez les femmes âgées de 15 à 49 ans.

Au Mali, seulement une naissance sur quatre est suivie par du personnel qualifié. C

Le mariage précoce est répandu au Mali où l'âge moyen au premier mariage est de 16 ans et demi. L'excision/la mutilation génitale féminine est pratiquée sur 94% des femmes maliennes. Par ailleurs, le déni des droits des femmes à décider d'elles-mêmes en matière de santé reproductive, le manque d'accès aux méthodes de planification familiale y compris, diminue la capacité des femmes à espacer les naissances et donc à protéger leur santé reproductive et leur vie.

Voilà ce sont des faits et statistiques , j'ai vu de beaux accouchements et des accouchements pénibles . En zone rurale nous étions à 40 minutes en voiture d'un centre de santé où il n'y avait qu'un médecin et deux infirmières . Le village possédait une moto pour les urgences . Imaginer impossible pour une femme en accouchement difficile de faire plus d'une heure de moto surtout lors de l'hivernage là où les pluies creusent des fossés et des lacs de boues . Résultat la femme restait aux villages assistées des anciennes ( ainsi nommées les femmes plus âgées du village )

Si tu a de l'argent oui tu pourras aller en clinique privée et là les services sont bons .

 

Gwen17: J'y suis venue pourla première fois en 2002. 1er séjour de 6 mois, ensuite 9 mois et j'y suis revenue depuis trois ans. 

Bonne Année!

MarieCharlo : Je dis que la situation s'est corsée à la naissance de mon fils car 'ai perdu mon statut de blanche avec plusieurs de mes privilèges. Je suis devenue maman, maman d'un fils du pays de surcroît. Il n'y a plus de couleur qui résiste à ce rôle. J'ai été happée par les différences culturelles comme je ne l'avais jamais été auparavant. J'avais l'impression de perdre mon identité, de ne plus avoir de repères culturels. Je passais mes journées à lire le "Mieux Vivre" pour me retrouver un tant soit peu. Plus rien n'était pareil: les maladies ne portent plus le même nom, l'alimentation est complètement différente, les normes de croissance ne sont pas les mêmes, la maman n'a plus le même rôle, les grands-mamans prennent toute la place et les papas s'effacent complètement. Je me sentais complètement dépossédée de mon rôle et de mon fils.

Avec le temps,je me suis retrouvée. Mes angoisses de mère ont diminué et j'ai réappris à faire confiance aux gens qui m'entouraient. Donc je dirais que dans toutes mes années passées ici, mon plus gros choc et ma plus grande difficulté d'adaptation sont reliées aux premiers mois de vie de mon fils. Maintenant il a 15 mois et je suis très contente de pouvoir l'élever ici. A mon avis, maladies à part, l'Afrique est le plus bel endroit pour élever des enfants.

Maé : Effectivement, la grossesse et l'accouchement sont plus naturels si on compare avec le Québec. Cependant, le décès des mamans et des bébés lors des accouchements sont encore très nombreux. Donc méthodes naturelles oui, mais à mon avis, les avancées médicales ont du bon aussi pour assurer un bon suivi pendant la grossesse et intervenir s'il y a urgence lors de l'accouchement. Il suffit de ne pas les avoir pour en comprendre leur importance. Les soins médicaux ne sont pas à la portée de tous en raison de leur coût. Donc, si une complication survient, les risques de décès sont beaucoup plus élevés qu'au Qc.

Jeune maman 2008 et Babsi : Ca longtemps été mon rêve à moi aussi de partir en Afrique. J'étais très jeune (9-10 ans) et j'en parlais déjà. Cette idée n'a jamais quitté mon esprit. Ca m'a pris plusieurs années avant de me décider. Ce n'est qu'à l'âge de 27 ans que j'ai fait le move pour 6 mois. Donc, il n'est jamais trop tard pour réaliser ses rêves.  

Merci de prendre le temps de répondre c'est réellement intéressant!!! 

maman nangai
jadore parler de l'afrique c'est un reve pour moi dy mettre les pieds quelle element de lafrique est le plus dure pour toi??? 

lyny: IL suffit d'avoir mis les pieds une fois en Afrique pour comprendre pourquoi les immigrants envoient la moitié de leur salaire mensuel à leur famille restée au pays. Les immigrants vont se priver de beaucoup de choses pour assurer une prise en charge de leur parents ou enfants. La famille est sacrée. C'est une autre difficulté pour un immigrant lorsqu'il arrive au Qc. Il y a le climat oui, mais il y a également l'absence de la famille, de l'entourage. L'individualité des québécois est difficile à apprivoiser.

Quand mon chum est venu en vacances au Qc cet été, il capotait de voir que même les noirs ne le saluaient pas. Lui, il disait bonjour à tout le monde comme nous le faisons ici. Ça l'a complètement sidéré. 

Maé, je laisserai Djenneba répondre à ta question de façon générale car je crois qu'elle a de l'expérience dans les centres de santé. Ce sont des conditions complètement différentes de celles dans lesquelles j'ai accouché.

J'ai accouché au BF mais dans une clinique privé, d'un fiston prématuré (je pense que j'ai fait trop de moto!). J'ai eu césarienne car il était en détresse foetale. On m'a donné péridurale pour la césarienne. Donc tu vois, pas très différent du Qc quand au mode d'intervention médical! C'est plutôt une fois que le bébé est sorti que les choses se sont corsées pour une petite québécoise comme moi

Un rituel est l'enterrement du placenta. C'est la grand-maman ou une vieille tante qui enterre le placenta dans la cour familiale. Une fois enterré, elle doit danser et rire sur le lieu même afin de porter chance au nouveau-né et pour qu'il ait longue vie. J'ai le placenta de mon fiston dans ma cour arrière! 

Les femmes sont probablement celles qui m'ont le plus marquées. On pourrait croire qu'elles sont soumises car elles sont parfois effacées en compagnie des hommes. Mais c'est faux. Ce sont des femmes de tête. Elles sont les piliers de la société burkinabé.

Il y a un proverbe africain qui dit: "La barbe (l'homme) dit le jour ce que les tresses (la femme) ont dit la nuit".

Je suis certaine que si les femmes avaient plus de place au pouvoir et dans la prise de décision, la pays s'en porterait mieux. Elles travaillent fort pour émerger. Et c'est probablement pour ces raisons qu'elles sont si dures entre elles. Elles ne s'épargnent pas beaucoup. La première fois que tu te retrouves dans une cuisine avec une gang de femme, tu trembles comme une feuille. Autant elles sont indirectes au dehors, autant elles sont directives dans leur élément. Une gang de femmes dans une cuisine, c'est comme une colonie de fourmis. Ça travaille sans relâche et ça s'assure que personne ne se pogne le beigne!

Les femmes ont toujours travaillé. Que ce soit au champ, à la maison, au marché, dans des institutions gouvernementales, elles sont là. Enfant au dos ou pas, elles travaillent. La situation est quand même différente au village et en ville. Le nombre d'enfants par famille est en décroissance en ville par rapport au village. Mais le ration est encore de 6 enfants pour une maman. Vive la famille élargie, les voisins, la communauté!
 

Ayoye Je ne pensais pas que ce post susciterait autant d'intérêt!!!

Bon, je ne sais pas trop par où commencer... Peut-être par commencer à vous dire que la réalité que je vais vous présenter est celle que je vois à travers ma lunette de coopérante volontaire, épouse d'un burkinabé, maman d'un québéco-burkinabé et amoureuse éperdue du BF. Donc, ma vue est parfois brouillée par les émotions...

Petit topo rapide du pays:

Le BF est reconnu pour être un pays stable politiquement. C'est vrai qu'à première vue, c'est l'image que l'on a. Il n'y a pas de guerre civile, les religions se côtoient sans trop de problèmes, pas de coup d'état depuis plusieurs années, le pays se dit démocratique, etc. Tu peux sortir dehors, aller prendre une bière, circuler seule sans problème. Cependant, les problèmes sont beaucoup plus profonds à mon avis.

Seulement au plan politique, c'est le même président qui est au pouvoir depuis 1987, suite à l'assassinat de l'ancien président, Thomas Sankara. Il y a très peu d'opposition au pouvoir; aux dernières élections, le Président a fait changer la constitution pour pouvoir se représenter à un autre mandat, il n'y a pas de plafond pour les campagnes électorales, aussi bien dire que tout est en place pour assurer longue vie au même président. Il y a encore beaucoup à faire pour la démocratie.

Malgré l'absence de tensions visibles, le BF est dans une situation précaire avec le contexte de vie chère actuel. Les prix ont flambé sur toutes les denrées de premières nécessité (certaines ont doublé ou triplé de prix). L'essence est à 1.75$ le litre environ. Le salaire minimum est de 75$/mois à peu près. Il y a vraiment un bug au plan économique. Il n'y a aucun contrôle au niveau du commerce. Les prix montent et descendent comme ils veulent. Comme là pour Noël, la viande vient d'augmenter de près de 1 à 1.50$ le kilo. Joyeux Noël! Je dis souvent que nous sommes assis sur une bombe qui pourrait exploser n'importe quand...

C'est un pays enclavé par 6 pays. Aucun accès direct à la mer. Très peu d'eau, le désert qui prend de plus en plus de terrain avec la désertification. L'électricité et l'eau sont donc des produits très chers. Actuellement, c'est notre hiver. 32-35°C le jour. En saison chaude, j'ai connu 48°. Toujours à l'ombre bien-sûr.

Donc, les burkinabè sont confrontés à des difficultés quotidiennes tant par leur économie, leur situation géographique, leur climat. Il y a une certaine classe sociale très très riche et une immense partie de la population très très pauvre. Une classe moyenne commence tout juste à émerger. C'est un pays jeune, plus de 50% de la population a moins de 18 ans. C'est l'espoir qui fait vivre les jeunes, l'espoir d'une vie meilleure.

Malgré ces difficultés majeures, et bien, ils ont le sourire étampé dans la face cibole! C'est un peuple fier, courageux (ceux qui disent que les noirs sont paresseux, ne savent vraiment pas de quoi ils parlent), accueillant, fêtard (quelques petits points communs avec les québécois!) et très ouvert d'esprit. Les religions, ethnies, langues, origines, traditions s'entremêlent et chacun y trouve son compte. C'est un pays coloré malgré le peu de verdure avec sa terre rouge, les habits multicolores des femmes et l'humeur pas possible des burkinabè.

Je dis souvent que le Faso est le paradis des paradoxes. L'illogisme de la logique. La collocation des traditions et de la modernité. Des protocolaires sans manières (les hommes se saluent pendant des heures par respect mais ça se décrotte le nez et les oreilles sans gêne!).