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Comment naît une merveille

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soucha_br

Inscrit le :
12 sept. 2014

Posté le: 20 octobre 2014 21:28:15 EDT  
Sous la douche, je me rince des fragments de ces dernières semaines. L'eau chaude glisse sur ma peau et me réconforte. Les images défilent dans ma tête.

Dimanche 27 avril. Minuit presque.

Ça y est ... nous y sommes. Tous les signes me l'indiquaient ces derniers jours. Maintenant, ce n'est plus qu'une question d'heures. La valise est dans le coffre. Je sors mon ballon et mes cours de gestion de la douleur. Rapidement, je me rends compte que cette douleur est indomptable. Et ce n'est que le début.

Lundi 28 avril. À l'aube.

Des heures durant, je me roule en boule, je m'appuie aux murs, je m'accroche aux rampes. On m'avait dit que ça devait arriver un soir. Cette nuit, je vois l'aurore se transformer lentement en jour. Je transpire et grelotte, je tiens à rester forte et ne crie pas. Nous sommes le 28, il est 6:00 du matin et je n'en peux plus de souffrir.

Nous partons vers l'hôpital. La route est interminable, les feux rouges sont des diables qui rient de moi. La douleur me fait halluciner.

On arrive, je suis sans force. On m'annonce joyeusement que le travail est avancé et que dans quelques heures je l'aurais entre mes bras. Je le sais bien, mon corps secoué de spasmes et couvert de sueur n'arrête pas de me l'annoncer.

10 heures.

Affaiblie, je patiente depuis plus de 10 heures, je perds tout sang-froid. Au diable l'accouchement naturel et je supplie qu'on me pique. Ayez pitié de moi, je n'en peux plus.

On me shoote, j'ai froid dans le dos et ça me fait un bien fou ... Je vis quelques instants de répit, à Oujda, discutant tissus et livres avec ma mère , à Essaouira, marchant sur le bord de l'eau par un beau coucher de soleil. Dans mes rêves, c'est toujours la mer et le coucher du soleil. Et puis je suis réveillée par la douleur. On est quelque part en début d'après midi, enfin ? Je ne sais plus exactement, les rideaux sont tirés et la lumière tamisée.

Est-ce normal de souffrir autant, aussi longtemps?

J'appelle au secours, je demande qu'on me délivre, je suis entourée de médecins et d'infirmières désarmées devant le spectacle funèbre d'une maman qui vit un accouchement difficile. Dans l'impuissance de faire autrement, on m'injecte encore et encore, l'épidurale est inefficace devant mes gémissements de plus en plus faibles. Mon corps n'est plus qu'une masse douloureuse et immobile, je n'ai plus la force de crier ni d'implorer, j'attends une délivrance quelconque.

18 heures.

On tente certaines man?uvres pour déloger mon bébé de là. Ma puce aurait des signes de souffrance. Je préfère mourir et qu'on me l'extirpe du ventre saine et sauve. Les médecins ne veulent pas de ça. Mais plus
le temps passe, moins ils ont le temps et le choix.

21 heures.

On décide qu'on va me faire une césarienne. Dernière ligne droite avant le passage sur le billard. Encore trois heures et je me retrouve dans le bloc opératoire. Ils m'entourent avec leurs masques, m'encouragent. Il me tient la main et me chuchote tout son amour dans l'oreille. Je suis insensible de corps et d'esprit. Je veux juste qu'on en finisse.

Le 29 avril, 2014. Minuit douze.

Son premier cri. Et tout est fini. 

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