Les femmes qui mangent des arachides pendant leur grossesse devraient revoir leur alimentation : leur bébé risque quatre fois plus de contracter une allergie potentiellement mortelle et de plus en plus répandue.
C'est ce que révèle une étude inédite menée par le Dr Anne Desrochers, allergologue au Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine et rapportée dans le quotidien La Presse. L'étude démontre aussi que consommer des arachides pendant l'allaitement double le risque que le bébé contracte une allergie. Il s'agit d'un taux énorme, estime le Dr Desroches, chef de la section d'allergie du service d'immuno-allergie de Sainte-Justine. « Nous avions à ce jour très peu d'études sur les risques d'allergie aux arachides pendant la grossesse ou l'allaitement. Cette étude montre des résultats très significatifs. »
Depuis quelque temps déjà, il existait une impression que la consommation d'arachides pendant la grossesse pouvait accroître le risque d'allergie chez l'enfant. Aux États-Unis et en Grande-Bretagne, les médecins recommandaient déjà aux futures mères dont des proches sont allergiques de ne pas manger de noix pendant la grossesse. Cette fois, les résultats sont sans équivoque. « Nous avons maintenant des chiffres qui confirment le risque », indique le Dr Desroches.
23L'étude est d'autant plus intéressante qu'elle compte un échantillonnage important. Elle a été menée à l'hôpital Sainte-Justine entre 1998 et 2005 auprès de 403 bébés : 200 enfants chez qui une allergie à l'arachide avait été diagnostiquée avant l'âge de 18 mois et 200 autres qui n'avaient pas d'allergie. L'objectif était de déterminer les facteurs de risque qui faisaient que certains bébés avaient développé une allergie à l'arachide et pas les autres.
« La réaction allergique chez les enfants était survenue à leur première exposition connue, comme c'est le cas pour 80 % des enfants, précise l'auteure de l'étude. Cela signifie que les bébés étaient déjà sensibilisés. L'allaitement et la grossesse sont probablement les explications de cette sensibilisation chez plusieurs enfants que nous avons rencontrés. »
Les arachides et les noix figurent actuellement dans le régime alimentaire conseillé aux femmes enceintes. Elles sont une source d'acide folique, qui contribue au développement normal de la colonne vertébrale, du cerveau et du crâne du fœtus. Elles sont aussi recommandées à celles qui souffrent de diabète de grossesse. Les femmes enceintes devraient-elles ajouter les noix à la liste des aliments à éviter lors d'une grossesse, au même titre que le fromage au lait cru, la charcuterie et le miel? Oui, répond le Dr Desroches. Du moins, celles qui comptent dans leur famille des personnes allergiques aux arachides, surtout si c'est le conjoint. « L'arachide en soi est un bon aliment, mais le problème est le versant négatif qui est l'allergie. Et de toute évidence, même pendant la période de grossesse, notre étude confirme le facteur de risque réel », souligne le Dr Desroches.
L'étude porte essentiellement sur l'allergie à l'arachide, mais les autres types de noix devraient aussi être bannis pour les personnes à risque. Le risque que ces aliments contiennent aussi des arachides est grand.
Une allergie de plus en plus répandue
Potentiellement mortelle, l'allergie à l'arachide est de plus en plus répandue. « L'allergie à l'arachide touche 1 % de la population. C'est l'un des allergènes majeurs après le lait », indique le Dr Desroches. Entre 6 et 8 % des enfants souffrent d'allergies alimentaires, dont l'allergie à l'arachide. Par ailleurs, contrairement à une idée encore fort répandue, le fait d'allaiter son bébé ne prévient pas le risque d'allergie.
En fait, l'étude menée à Sainte-Justine confirme que l'allaitement n'est pas un facteur de risque, ni de prévention des allergies. Comme le montrent les résultats, c'est plutôt la consommation d'arachides pendant la période d'allaitement qui peut faire une différence.
Les résultats de l'étude ont été présentés lors du congrès annuel de l'American Academy of Allergy, Asthma and Immunology, en février dernier à San Diego. L'analyse complète vient d'être terminée et sera soumise pour publication dans une revue médicale.
Source : Pascale Breton, La Presse, 3 mai 2007
