Santé

Perdre un enfant

Un enfant qui meurt avant ses parents bouleverse le cycle de la vie. Il ne devrait pas partir avant eux. Pourtant, quand le drame survient, il faut que les parents réapprennent à vivre.

La mort d'un enfant bouleverse l'ordre logique des choses. Mamanpourlavie.com a posé quelques questions à Josée Jacques, psychologue et professeure au collégial qui s'intéresse particulièrement aux phénomènes de transitions et de deuil. Voici le compte-rendu de cet entretien touchant qui pourra aider un parent endeuillé ou ses proches.

Quelles sont les étapes du deuil?

J’aime mieux parler de grandes périodes, ce qui fait moins prescriptif. Autrement, certaines personnes essaient d’évaluer si elles sont rendues à la peine ou la colère pour voir ce qu’ils vivront après. Il n’y a pas un deuil identique, car il n’y a pas de personnes identiques.

Voici les grandes périodes :

  • Période de choc : On a de la misère à reconnaître la réalité et la perte. On est en mode de survie, ce qui a quand même comme effet de nous tenir alertes.
  • Période de désorganisation : C’est une grande période où on réalise la perte et l’absence. On vit un mélange de colère, de la peine, du regret, de la culpabilité, etc. On apprend à vivre en fonction de l’absence, mais on se sent très désorganisé.
  • Période de réorganisation : On sent que tranquillement les émotions sont moins vives. On ne tourne pas la page, mais on a trouvé une nouvelle façon de vivre.
Est-ce que la mère et le père vivent le deuil de la même façon?

À la base, chaque deuil est unique et différent, parce qu’on entretenait une relation unique et différente avec l’enfant. Entre le papa et la maman, on ne peut pas généraliser, mais habituellement la femme a plus de facilité à vivre ou exprimer sa tristesse et l’homme a plus de facilité à exprimer sa colère. Quand un couple vient me voir au bureau, souvent, la femme va pleurer et l’homme va être « en beau maudit! ». Ce n’est pas prouvé, mais c’est une tendance observable, pas seulement dans cette situation. La femme se permet plus d’exprimer ses émotions, d’aller chercher de l’aide ou de se confier à une bonne amie. Les hommes ont davantage de difficultés à vivre leurs émotions, ont tendance à faire de l’évitement et sont moins portés à aller chercher du support autour d’eux.

Comment peut-on faire face à la mort d’un enfant?

Il n’y a, bien sûr, aucune recette miracle. Je crois qu’il faut apprendre à prendre soin de soi pour arriver à trouver un sens à vivre. Dans le processus de deuil, il faut respecter notre rythme et accepter qu’aujourd’hui on va bien, mais que demain, on verra bien. On ne peut pas brusquer les choses et dire « bon demain, ça va aller ». De la même façon, on ne peut pas « forcer » un pommier à avoir des pommes au printemps. On récoltera des pommes à l’automne, ce qui implique aussi qu’on aura vécu un hiver, un printemps et un été.

Ce n’est pas le temps qui est important dans un deuil, mais bien ce qu’on fait pendant ce temps-là pour prendre soin de nous. Si on laisse un pommier dépérir ou si on ne s’en occupe pas, il ne donnera pas de pommes à l’automne. Même chose pour un parent endeuillé; il peut s’étourdir en travaillant par exemple, mais cela ne veut pas dire que parce que le deuil a duré un an qu’il va mieux.

Les groupes de soutien et d’entraide sont très aidants. Rencontrer des personnes qui vivent la même chose que soi permet de se sentir moins seule. Il existe maintenant des groupes aussi pour les deuils périnataux. Avant, ce deuil n’était même pas reconnu comme une perte significative. On leur disait « Tu n’as pas eu le temps de t’attacher à cet enfant que tu n’as pas connu », mais c’est faux. Les parents y sont attachés et ils avaient déjà fait des projections sur cet enfant. Ce sont donc des rêves aussi qui partent.

Qu’est-ce qui est important de faire en période de deuil?

Il faut prendre soin de soi. Parfois, on s’en demande trop. On est trop exigeante ou on ne veut pas pleurer. Il faut accueillir sa peine et sa fragilité au jour le jour. En respectant notre rythme, en étant vraie et en prenant soin de soi, on est sur une bonne voie. Parfois, j’entends des mamans dire : « Il faut que je sois forte pour les autres enfants. Il ne faut pas que je pleure devant eux », mais en même temps, elles me disent être inquiètes parce que leurs enfants ne pleurent pas. Quand je leur demande si elles pleurent devant eux, elles saisissent que cela ne sert à rien de leur cacher notre peine. Elles veulent les protéger, mais finalement chacun s’inquiète pour l’autre.

Bien sûr, il ne faut pas s’écrouler devant les autres enfants et être tellement prise par notre propre peine qu’on n’est pas disponible pour la peine de la fratrie. Mais les parents endeuillés doivent se permettre d’exprimer leur peine et leur tristesse devant les enfants sinon ceux-ci pourraient se demander « Comment cela que maman ne pleure pas et que moi, j’ai encore de la peine ». Il est donc mieux d’être vrai et de leur dire « oui, j’ai encore de la peine » ou « J’ai de la peine, mais je t’aime autant qu’avant. » ou « Je pleure parce que je m’ennuie aussi ».

Mon amie a perdu son enfant. Que puis-je faire? Quoi lui dire?

Il ne faut pas faire l’autruche ou encore éviter d’aborder le sujet. Les parents endeuillés ont envie de se souvenir de l’enfant et n’ont pas envie de faire comme s’il n’avait pas existé. Ils veulent encore utiliser son prénom et pour eux. Si une amie a perdu son enfant, il faut lui démontrer qu’on est là et être vraie. Souvent on est mal à l’aise et on bafouille des paroles comme « Je te comprends ». Pourtant, le parent endeuillé sait bien que son ami ne peut pas vraiment comprendre. Quand une parole déboule trop vite, il vaut mieux se reprendre et dire « Non, c’est vrai. Je ne peux pas te comprendre, je n’ai pas perdu mon enfant. Excuse-moi. »

Parce qu'accompagner un parent qui perd un enfant est aussi difficile. On ne trouve pas les mots justes pour soulager leur chagrin. Une amie vit le deuil de son enfant? Lisez aussi À faire (et ne pas faire) auprès des parents endeuillés.
Que dire aux autres enfants qui ont perdu un frère/une sœur?

Bien sûr, cela varie selon leur âge. Mais ce qui ne change pas, c’est qu’on leur dit la vérité. Pour les tout-petits, entre 3 et 5 ans, il faut les déculpabiliser. À cet âge, ils croient encore à la « pensée magique », ils pensent qu’ils ont un certain pouvoir sur l’univers et qu’ils pourraient avoir eu une influence sur le décès. S’ils ont dit, les jours précédents le décès, « Je ne veux plus que tu sois mon frère! » ou « Tu m’énerves. Va-t en loin! » ou s’ils ont souhaité secrètement, sans le dire, que leur petite sœur disparaisse, ils pourraient croire que la mort est reliée à leur « pensée » ou leur souhait.

Rien ne sert de les bousculer, on laisse les enfants venir avec leurs questions. Quand on nous les pose, on leur dit la vérité et, surtout, si on ne sait pas la réponse, on leur dit aussi. « Est-ce qu’elle me voit? » On peut répondre, « Je ne le sais pas, mais moi quand je pense qu’elle me voit, ça me fait du bien. Toi, qu’est-ce qui te fait du bien? » Attention! On ne leur impose pas notre système de croyances, car d’autres peuvent voir cela différemment. On peut aussi l’amener, subtilement, à nous exprimer ce qu’il croit.

Doit-on parler de l’enfant décédé?

Oui, tant que cela nous fait du bien. Il a eu une place dans la famille et il en aura probablement toujours. Même une personne de 94 ans qui a perdu un enfant quand il était jeune va toujours se souvenir de lui et le compter dans ses enfants. On doit laisser à l’enfant décédé une place afin qu’il ne prenne pas toute la place. Là est la nuance. Il vaut mieux donner un espace – pas tout l’espace – précis à la mémoire de l’enfant dans le temps selon les occasions. Par exemple, le jour de son anniversaire, on peut faire son gâteau préféré, allumer une bougie à Noël pour rappeler sa présence, aller se recueillir sur sa tombe à son anniversaire, etc. On souligne sa présence malgré son absence. Bien sûr, on va « entrer » dans les émotions, ça va durer quelques minutes ou une heure, mais cela va être circonscrit dans un temps ou une action précise et chacun va être mieux.

Autrement, si on ne fait rien, il se peut que tout le monde y pense et ait le cœur gros sans se donner le droit d’en parler ouvertement. Il ne faut pas faire « comme si » ou juste pleurer sous les couvertures, on se crée des rituels qui nous font du bien. Une famille que j’ai rencontrée allait acheter des bonbons à l’anniversaire de l’enfant décédé parce que celui-ci les aimait beaucoup. C’était leur façon de souligner sa présence dans une petite attention qui leur faisait du bien…

L’enterrement ou la cérémonie : une étape?

La vue du corps de l’enfant décédé aide au processus de deuil, et ce, autant pour les parents que pour les enfants endeuillés. On reconnaît mieux sa perte et cela évite aussi d’avoir l’impression qu’on va le retrouver dans son lit au petit matin. La cérémonie permet aux parents endeuillés de sentir le support de leurs proches, de voir que notre enfant était aimé et que nous sommes aimés aussi.

Il est bien d’intégrer les autres enfants à la cérémonie même dès l’âge de deux ans. D'abord, ils aiment pouvoir y participer. Ils peuvent transporter des fleurs, faire un dessin ou même dire un petit mot. Dans les salons funéraires, il est bon d’avoir d’autres enfants. Ça fait du bien de voir que la vie continue. Bien sûr, il ne faut pas s’attendre à ce qu’ils vivent l’expérience de la même façon que nous. Les enfants ont la faculté de passer rapidement d’une émotion à l’autre. On ne peut pas leur dire « Arrête de rire! Tu devrais avoir de la peine ». Aussi, on suggère aux parents de trouver une personne significative auprès des enfants pour les accompagner durant la cérémonie et même au salon.

Quand doit-on aller consulter?

Parfois, pour simplement normaliser ce qu’on vit, consulter peut être une bonne option. Souvent aussi, durant les premières semaines et les premiers mois, les parents reçoivent beaucoup de support. Mais après cinq ou six mois, ils vivent un creux de vague alors que commence habituellement la période de désorganisation.

Aussi, quand on s’aperçoit qu’on ne peut plus fonctionner, il est mieux de consulter pour nous permettre de voir un peu plus clair. Comme on va chez le dentiste avant d’avoir mal aux dents, on peut aller consulter en prévention. Certaines maisons funéraires offrent avec les arrangements des consultations gratuites.

Et sa chambre? Ses jouets? Que faire avec les souvenirs?

Si ça nous fait du bien, on garde la chambre intacte pendant quelque temps. Il n’y a pas de moment clé ou de prescriptions à suivre pour savoir si on peut défaire la chambre, donner ses jouets, etc. Et il faut se rappeler que ce n’est pas parce qu’on enlève des objets ou qu’on défait la chambre, qu’on va oublier l’enfant. Le deuil prend du temps. On va toujours y penser à cet enfant, mais un jour, on va surtout être capable d’y penser et ça va être moins souffrant.

Merci à Josée Jacques pour sa disponibilité. Josée Jacques est psychologue et professeure de psychologie et de communication au collège de Rosemont.

Image de Nadine Descheneaux

Autrice jeunesse et conférencière.


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