L’endroit où l’on habite – où l’on a peut-être toujours habité, si on est enfant – recèle de symboles et de souvenirs : famille, amitiés, école… L’enracinement, quoi! Ce ne sont pas que des boîtes que l’on transporte, c’est une partie de notre vie et toutes nos émotions qui déménagent!
On a beau essayer de voir le déménagement comme une expérience exaltante, c’est là une source de stress majeure, et même de dépression dans certains cas, tellement c’est une action définitive. On part, on ne peut plus reculer, on enterre une partie du passé… Il existe tout de même un niveau différent de réactions entre un déménagement volontaire auquel toute la famille participe parce qu’on manque d’espace par exemple et celui qui découle de la séparation des parents ou d’une perte d’emploi.
Mais que ce soit un déménagement « positif » ou non, attendez-vous à une réaction! Selon la psychologue Suzanne Vallières, « la réaction est très variable d’un enfant à l’autre, mais la plupart vont vivre une excitation qui est à la limite de l’angoisse. Certains deviennent inquiets, d’autres vont avoir mal au ventre! Il y a également des enfants qui vont pleurer en arrivant dans leur nouvelle demeure pour ensuite se calmer en reconnaissant certains meubles ou jouets. Il y a également des enfants qui recommencent à faire pipi au lit. Par ailleurs, le changement d’environnement est un des facteurs pouvant déclencher à nouveau les « pipis au lit », au même titre que les séparations ou la naissance d’un nouvel enfant. »
Peine et peur
Nicolas, huit ans, s’habitue peu à peu à sa nouvelle maison dans laquelle il a emménagé au début du printemps. « Quand mon père et ma mère se sont séparés, j’ai eu de la peine, mais c’est quand on a déménagé que là, ça m’a frappé : on n’était plus une famille! Là, j'ai eu de la peine! » La séparation a occasionné la vente de la résidence familiale et chacun des parents s’est acheté une nouvelle maison, dans la même ville pour préserver le sentiment d'appartenance des enfants, Nicolas et son frère Simon, 5 ans qui retrouvent un peu le même environnement, même s’ils ont dû changer d’école. « Mes parents nous emmènent à l’école en voiture, ils ne voulaient pas qu’on change d’école en plein milieu de l’année. Je n’ai pas hâte de perdre mes amis! »
On croit – souvent à tort dans le cas des déménagements – que les enfants ont une capacité d’adaptation telle qu’ils passent au travers de tout sans dégât. Qu’il suffira de quelques jours, quelques semaines pour que la routine s’installe. Il n’est pas rare de constater des troubles du sommeil, une perte d'appétit et un sentiment général d’excitation ou d’anxiété. Même si ces symptômes disparaissent souvent d'eux-mêmes une fois la routine réinstallée, les résidus éventuels d’un déménagement doivent être pris en considération et les parents ont avantage à surveiller les changements de comportement chez leurs enfants. Selon Louise Noël, une travailleuse sociale qui a écrit un livre sur l’attachement en 2003, « lorsque l’enfant déménage souvent, il risque de se sentir moins enclin à s’investir pour développer de nouveaux liens. » D'autres peuvent se sentir trahis par une décision d’adultes, comme Nicolas « Je ne voulais pas déménager, mais ce n’est pas moi qui décide… Ce n’est pas juste que mes parents ne s’aiment plus, mais que ce soit moi qui suis obligée de quitter mes amis! »
Il y a quelques trucs pour faciliter la transition et limiter les dégâts.
Avant le déménagement
- Quand vous visitez votre future demeure, prenez des photos qui vous aideront pour votre décoration bien sûr, mais qui surtout aideront les enfants à se faire une idée de leur prochain environnement. Tout en regardant les clichés, vous pourrez passer du temps à parler de comment ils voient le déménagement, ce qu’ils aimeraient, ce qu’ils ne veulent pas. Ils imagineront aussi leur chambre et l’espace-jeu avec plus de facilité s’ils ont accès à des photos.
- Si c’est possible, habituez vos enfants peu à peu à l’idée du déménagement en leur faisant visiter plusieurs fois leur nouveau quartier. Emmenez-les visiter leur nouvelle école, le terrain de jeu, l’épicerie locale, etc. Les faire participer, dans la mesure du possible, à la décoration de leur nouvelle chambre leur permettra aussi d'apprivoiser l’idée et même d’avoir hâte puisqu’ils auront de nouvelles couleurs, un nouveau couvre-lit ou un nouveau bureau. Pas besoin de dépenser une fortune : les petites annonces des quotidiens et Internet regorgent d’articles usagés, mais en bon état, que l’on peut acheter à une fraction du prix en magasin.
- Une autre suggestion est de se procurer, à la bibliothèque ou à la librairie, quelques livres adaptés à l’âge des enfants sur la thématique du déménagement.
- Si les enfants ont de nombreux amis, préparez ensemble un livret qui servira à la fois de carnet téléphonique et d’album souvenir dans lequel les amis peuvent écrire un mot, mettre une photo, faire des souhaits.
Si la saison s’y prête, pourquoi ne pas faire une petite fête BBQ? Ça permet d’inviter beaucoup d’amis à peu de frais et donne aux enfants l’occasion d’emmagasiner d'autres souvenirs heureux. La petite fête peut aussi être organisée à la future maison : si ce n'est pas trop loin, on invite les amis d’« avant » pour qu’ils voient la nouvelle maison, sinon, on en profite pour lancer une invitation aux nouveaux petits voisins qui seront bien heureux de rencontrer vos enfants. Les enfants ont beaucoup plus de facilité que les adultes pour se lier, il suffit de quelques occasions et les voilà devenus les meilleurs amis du monde!
Dernière minute
Les avis sont partagés quant à savoir si les enfants doivent ou non être présents la journée même du déménagement.
En faveur : c’est une étape importante pour faire la transition, pour dire un dernier adieu. S’ils sont assez grands, ils peuvent aider.
Contre : Ce peut être une épreuve inutile et ils seront « dans vos jambes » alors que vous aurez besoin de toute votre énergie pour passer vous-même à travers la journée. La psychologue Suzanne Vallières croit qu’il est préférable de les faire garder. « La réaction est très variable d’un enfant à l’autre, mais la plupart vont vivre une excitation qui est à la limite de l’angoisse. » Particulièrement cette journée-là, ils chercheront à être rassurés et feront tout pour être « encombrants » pour retenir votre attention! C’est vous qui connaissez le mieux vos enfants, alors vous jugerez de la pertinence de les faire garder par une personne émotionnellement significative pour contrebalancer les émotions de la journée.
- Prenez le temps de faire le tour de la maison une dernière fois avec eux. Racontez des anecdotes amusantes pour emporter avec vous un souvenir heureux.
- Préparez une boîte spéciale contenant quelques jeux, jouets, livres, doudou ou toutou et qui pourraient sinon le consoler, au moins lui changer les idées.
- Une glacière avec quelques collations et boissons préférées est de mise : ce n'est pas la journée pour être « santé », permettez-leur quelques douceurs.
Avant, pendant et après
Il est important de laisser les enfants verbaliser leurs sentiments, quitte à provoquer la discussion. Certains enfants ne se livrent pas facilement, surtout quand ils ne veulent pas faire de la peine à papa et maman! Dites-leur qu’ils ont le droit de ne pas être d'accord et d’avoir de la peine. Une fois les émotions sorties, ils seront plus disposés à s’adapter à leur nouvelle vie, surtout si vous leur donnez un coup de main pour favoriser leurs relations amicales. Permettez-leur d'inviter un ami à coucher dans les premières semaines, même si vous n'avez pas fini l'aménagement. Vous ferez ainsi d'une pierre, deux coups : vos enfants seront heureux de revoir leur ami et ils lui confieront peut-être leurs joies et leurs angoisses, ce qui est préférable au silence.