Un trouble du langage : en parler ou pas?
En plus des informations permettant à l’institution de connaître l’adresse, le nom des parents et surtout les numéros où vous joindre dans le cas où l'enfant aurait un malaise, on aimera bien connaître ses antécédents médicaux et certaines particularités de son développement, dont celui de son langage. Encore récemment, un parent me posait la question à savoir si, à l’inscription scolaire, il devait mentionner que son enfant présentait un problème de langage. Il n’est pas le premier qui s’interroge en ce sens, et je tente chaque fois de comprendre les raisons qui font hésiter le parent.
Des raisons de ne pas en parler
Certains craignent un jugement de la part de l’école, que ce soit à leur égard ou à l’égard de leur enfant. La conviction qu’un enfant présente un trouble du langage à cause d’une mauvaise stimulation de la part du parent existe encore dans la population, et il n’est pas rare d’entendre un parent se confesser de ne pas avoir agi de la bonne façon, ou encore de ne pas avoir été assez présent. D’autres mentionnent que les gens autour d’eux disent ou encore laissent planer le doute sur le fait que le trouble du langage s’associe à un manque d’intelligence, et craignent ainsi qu’on questionne le potentiel intellectuel de leur enfant. D’une manière ou d’une autre, la peur du jugement du personnel du milieu scolaire et surtout, de l’étiquetage existe encore. Dans d’autres cas, j’ai entendu des parents mentionner que l’école n’avait pas de services, alors à quoi bon mentionner que leur enfant présentait un retard ou un trouble. Ceci ne servirait à rien d’autre que d’étiqueter leur chérubin. Et encore, il y aurait eu aussi semble-t-il, dans certains cas, un refus de fournir un service orthophonique à l’école, en prétextant que l’enfant était déjà suivi dans un milieu privé.
Des raisons d’en parler
À bas les tabous
Nous ne pouvons nier le fait que certains tabous existent encore à l’égard des troubles du langage, mais j’ai constaté une évolution positive au fil des ans. De plus en plus, il est admis que même si les parents ont leur part de responsabilités, l’enfant a aussi un rôle à jouer, tant de par son potentiel que par sa réceptivité. Parler est un jeu à deux et dans ce jeu, chaque participant doit collaborer. Comme parent, notre rôle est d’enseigner et celui de l’enfant est de pouvoir et de désirer apprendre.
Ainsi, lorsqu’on identifie un retard ou un trouble du langage, il importe d’en comprendre la cause, non pas pour procéder à un jugement, mais plutôt pour mieux aider l’enfant à évoluer. Il est vrai que certaines attitudes parentales peuvent être moins favorables que d’autres à une bonne évolution. Si tel est le cas, le professionnel scolaire, qui n’est pas là pour porter un jugement, devrait puiser dans ses ressources ou en trouver une qui puisse guider le parent. Si, pour une raison ou une autre, c’est l’enfant qui est moins habile ou moins réceptif dans son apprentissage, il faut aussi le savoir afin d’y pallier le plus tôt possible. Chaque enfant devrait pouvoir recevoir les vrais et bons services auxquels il a droit.
L’intervention précoce
Nous n’insisterons jamais assez sur l’importance du dépistage précoce pour favoriser l’intégration sociale et les apprentissages du jeune enfant. Petit, l’enfant apprend le langage et plus tard, le langage lui sert à apprendre. En classe, les informations et les consignes sont données par des phrases plus ou moins longues et parfois même, par des mots qui peuvent être nouveaux pour l’enfant. On lui lit des histoires qu’il doit écouter et qui nécessitent qu’il ait une bonne écoute et une bonne compréhension.
Même s’il est encore tôt dans la vie scolaire de l’enfant et sans vouloir être alarmiste, il faut savoir qu’un lien a effectivement été établi entre les résultats scolaires et le décrochage éventuel. Par le dépistage précoce, on peut éviter l’accumulation des retards qui peuvent au fil des ans diminuer le manque d’intérêt chez l’enfant et entraîner un découragement. À son tour, l’enfant doit s’exprimer pour diverses situations, soit dire, expliquer, raconter et il doit posséder le langage nécessaire pour le faire afin d’être facilement intelligible pour se faire comprendre des autres.
Le développement du langage doit être à la hauteur des besoins qu’exige le programme scolaire. Lors de l’inscription, il importe, si le trouble est déjà connu, d’en parler. Par contre, vous vous questionnez peut-être à savoir si le langage de votre enfant sera adéquat et suffisant pour son entrée en septembre. Pour avoir une idée du développement du langage à l’âge préscolaire, je vous suggère de consulter le tableau que vous trouverez en annexe de mon « Guide du langage de l’enfant de 0 à 6 ans ». Vous pouvez également poser les questions au personnel scolaire : dans certains cas, il se peut que l’école dispose des ressources nécessaires pour vous guider dès maintenant ou encore, il est possible qu’on vous dirige vers des services publics ou privés.
Pas une question de devinette pour l’enseignant
Une classe est constituée d’une vingtaine de marmots aux besoins, talents et personnalités différentes. Au début de la maternelle, certains auront une adaptation facile, alors que d’autres seront plus réservés. L’enseignant a la responsabilité de leur apprendre, mais aussi de comprendre les réalités de chacun en tentant de trouver ce qui pourrait faire obstacle aux apprentissages. L’identification des enfants qui présentent un trouble ou un retard de langage peut s’avérer lente ou plus compliquée dans quelques situations si on ne possède pas de connaissance des comportements langagiers ou autres de l’enfant en dehors de l’école. Certains enfants peuvent se fondre dans la masse s’ils sont assez futés pour suivre les autres et les imiter sans comprendre les instructions. Ou encore, les réponses courtes que donne un enfant peuvent être interprétées comme de la timidité, plutôt qu’une difficulté à s’exprimer. Le fait de parler du doute qu’on a à l’égard du langage de notre enfant ne fait que faciliter la tâche de l’enseignant, et peut accélérer les démarches qui pourraient s’avérer nécessaires.
Recevoir les vrais et bons services
Si c’est votre premier enfant, il se peut que vous ne connaissiez pas les services offerts par votre Commission scolaire. Sans entrer dans un débat politique ou social, il faut savoir que chaque commission scolaire, voire même chaque école, dispose d’un nombre de professionnels différents, et ceux-ci ont des affectations variées et limitées. En lisant les éditoriaux des journaux, en écoutant certaines émissions d’informations, on constate que la pénurie des services est décriée par une grande quantité de parents dont les enfants ne bénéficient pas des services dont ils ont besoin.
Mais de belles histoires existent aussi, et je connais des enfants dont le suivi leur permet d’aimer l’école, de progresser et d’apprendre parce que le système scolaire met à leur disposition les gens, le support et le programme appropriés. Alors, le seul bon conseil que je puisse donner est de prendre connaissance de ce qui peut être offert à votre enfant : quels professionnels sont sur place? Leur rôle consiste-t-il à dépister, évaluer, offrir des suivis, participer aux échanges pour faire un plan d’intervention personnalisé ou à référer à l’extérieur du cadre scolaire? La Commission scolaire offre-t-elle des classes destinées aux enfants avec besoins particuliers? Quand et sous quelles conditions les enfants y sont-ils référés?
Et pour intervenir tout de suite
Les orthophonistes sont les personnes responsables d’intervenir au plan du langage. Si un doute subsiste, et que vous pensez que votre enfant ne sera pas prêt pour son entrée scolaire, je vous conseille de consulter sans attendre. L’Ordre des Orthophonistes et Audiologistes pourra vous orienter vers les ressources de votre région.
Guide du langage de l'enfant de 0 à 6 ans
Sylvie Desmarais
Éditions Quebecor
2010
ISBN : 9782764015353
29,95 $