À la suite d'une fausse couche, personne ne réagit de la même manière. Le deuil périnatal est vécu différemment pour chaque femme. Pour certaines, à la tristesse et la déception s’ajoutent la colère et l’horrible sentiment d’être seules au monde.
Un secret qui pèse lourd
Parce que l’on sait que les risques de fausses couches sont plus élevés avant la 12e semaine de gestation (dans 80% des cas), beaucoup de couples préfèrent garder le secret de la grossesse pendant cette période critique. Juste au cas...
Mais voilà, parfois, le pire se produit. Difficile de vivre le deuil d’une interruption involontaire de grossesse et d’en parler lorsque l’entourage ignorait la grossesse. « Je m’interdisais de parler aux autres de ma fausse couche, dit Marie-Pier, 37 ans. Cette grossesse n’avait existé que pour mon copain et moi, je ne voyais pas comment l’aborder avec d’autres. »
Pourtant, selon une publication de l’Institut national de Santé Public, afin de s’adapter au deuil, les femmes ont besoin de partager leurs émotions et cherchent du réconfort auprès de leurs familles et de leurs amis. C’est pour elles, l’une des clés de la guérison.
Après une fausse couche, les femmes ont des réactions émotionnelles diverses qui se traduisent de manière plutôt intense puisqu’elles ont porté l’enfant. Hélène confie : « Je me sentais si seule. J’en suis même venue à détester mon entourage qui ne comprenait visiblement pas la profondeur de ma peine. Je n’étais plus capable d’entendre mes amies essayer de me réconforter ».
En plus de ressentir une grande peine, les femmes qui subissent des fausses couches vivent un sentiment d’échec, de honte et/ou de culpabilité. Ces femmes ont visualisé leur bébé et elles ont bel et bien vécu cette grossesse. Déjà, un lien affectif existait. L'interruption involontaire de grossesse crée un vide bien réel, exacerbé par le manque de reconnaissance social.
Un vrai deuil
Il ne faut pas associer la fréquence à la banalité. En effet, ce n’est pas parce que les fausses couches surviennent dans près de 15% des grossesses, qu’elles ne sont pas importantes. Annie-Ève Gratton, fondatrice de Bedon Zen et spécialiste en deuil périnatal, est très claire sur ce point : « La première chose à faire est sans doute de légitimer la peine des femmes. C’est gros ce qu’elles vivent. Il faut provoquer le débordement, faire sortir la peine. Une fois que cette étape est franchie, elles sont disponibles pour le deuil. »
Le deuil. Savoir le reconnaître et être accompagné par les bonnes personnes lors de ce long chemin. C’est certainement la partie la plus douloureuse et la plus longue du cheminement, mais elle est essentielle. « C’est vraiment important de bien faire son deuil afin de mieux remonter, dit Mme Gratton. Si le deuil n'est pas fait complètement, on traînera cette perte toute notre vie, et cela pourrait tout teinter... »
Boucler la boucle, poser des gestes concrets, voilà probablement la dernière étape du deuil périnatal. Selon l'experte, « il faut transformer la relation physique qu’on aurait dû avoir en relation spirituelle, mais pas au sens religieux ». Ce dernier jalon à franchir est important afin d’être zen face à cette épreuve douloureuse. « Je dis qu’une fausse couche est un cadeau mal emballé, confie Mme Gratton. Si le deuil est bien fait, il peut en ressortir beaucoup de positif. »
Il est donc crucial pour les femmes de ne pas économiser leur peine et de vivre leur deuil avec un bon filet (amis, famille, professionnels, groupes, etc.) pour les supporter.
Des ressources
Comment briser l’isolement? Comment survivre à sa peine et vers qui se tourner pour panser adéquatement les blessures d’une fausse couche? Si les questions sont évidentes, les réponses le sont beaucoup moins. En plein deuil, les ressources semblent manquer. Pourtant, il en existe diverses. En voici quelques-unes.
- Les forums de discussion, comme celui de Maman pour la vie, permettent d’échanger librement avec d’autres femmes qui traversent la même épreuve. Ces discussions permettent de se sentir moins seules.
- Sur Facebook, on retrouve plusieurs groupes de soutien tels que Nos petites étoiles du ciel, Les perséides, Deuil périnatal ou encore, Chemin des étoiles. Ces groupes virtuels, un peu comme les forums, permettent aux femmes de se soutenir et peuvent être très libérateurs.
- Parents Orphelins, l’Association québécoise des parents vivant un deuil périnatal et Bedon Zen sont des organismes qui accompagnent et aident les parents à traverser cette difficile épreuve.
- Le livre de Manon Cyr et Isabelle Clément, Fausse couche, vrai deuil peut être très éclairant pour les parents qui vivent une fausse couche. Parsemé de témoignages, cet ouvrage offre du réconfort aux femmes et à leurs partenaires, tout en les informant.
- Le livre de Suzy Fréchette-Piperni, Les rêves envolés: Traverser le deuil d'un tout petit bébé. Ce livre explique à merveille les étapes du deuil et toutes les femmes sont suscpetibles de s'y retrouver.
- Comme mentionné plus haut dans cet article, il est primordial pour les femmes de verbaliser ce qu’elles ressentent et de parler de ce qu’elles vivent. Lorsqu’elles ne sentent pas l’ouverture ou la réceptivité voulue de la part de l’entourage, elles peuvent se tourner vers les services d’un psychologue.
- Le Centre intégré de santé de services sociaux de la Montérégie-ouest possède toutes les ressources afin d’aider les femmes à surmonter les douleurs physiques et psychologiques inhérentes à une fausse couche, en offrant des consultations individuelles.
Prendre le temps
Si vous le pouvez, essayez de prendre un temps d’arrêt, par exemple, une pause du boulot pour vous remettre sur pied et vivre votre deuil. Si la fausse couche a lieu après le début de votre 20e semaine de grossesse ou plus tard, vous avez droit à un congé de 18 semaines et vous êtes éligibles aux prestations de maternité du Régime québécois d’assurance parentale (RQAP).
Dans l’éventualité où la fausse couche est survenue avant la 20e semaine de grossesse, vous avez tout de même droit à un congé de trois semaines, mais sans solde. Malheureusement, ce ne sont pas toutes les femmes qui peuvent se permettre une absence de revenue pendant une aussi longue période. Quoi qu’il en soit, il est primordial de ne rien brusquer et de prendre tout le temps nécessaire pour vivre le deuil.
Annoncée ou non, lorsqu’une grossesse s’interrompt abruptement, elle laisse des stigmates. Le danger, pour les femmes qui ont à vivre cette douloureuse épreuve, est de se replier sur elles-mêmes. Il ne faut donc pas hésiter à faire appel à des ressources extérieures. Le deuil d’une grossesse n’est pas un demi-deuil et la perte, comme la douleur, sont entières et ne devraient pas se vivre dans l’isolement.