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D'hier à aujourd'hui, le début d'un deuil

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Nenya

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05 févr. 2006

Posté le: 4 décembre 2014 19:03:26 EST  
Hier, c'était mercredi le 3 décembre et la journée débutait merveilleusement bien. Notre petit lutin Atchoum avait été capturé et ça n'a pas tardé à mettre un beau sourire sur le visage de nos 4 enfants. La neige avait tombé toute la nuit et un beau manteau blanc recouvrait toute la pelouse. C'était beau et présage d'une belle journée ! Je me suis hâtée au ménage, même si mes nausées matinales ne semblaient pas vouloir me laisser faire. D'heureux nouveaux parents n'allaient pas tarder à arriver chez moi pour que je photographie leur petite princesse d'à peine 10 jours, il fallait donc faire avec. Oh et quelle belle princesse ! Elle avait un tout petit visage et de magnifiques grands yeux ronds qui n'ont presque pas cessés de me regarder pendant toute la séance. Elle n'a pratiquement pas pleurée de tout l'avant-midi et m'a même gâtée avec quelques-uns de ses sublimes sourires. J'étais aux anges !

À peine mes clients étaient-ils partis que je me suis empressée de boire beaucoup plus d'eau qu'il n'en fallait pour ma première échographie. J'avais si hâte de voir mon petit bébé ou au moins de voir son petit c?ur battre à travers l'écran. Notre rendez-vous était prévu à 13h et à 13h05 j'étais déjà étendue sur le lit avec cette glue sur le bas de ventre. J'attendais que cette femme tourne son écran vers moi. Lors de mes précédentes échographies, elles le faisaient toutes, mais pas elle. Puis, elle est partie en nous disant qu'elle reviendrait rapidement. Ce qu'elle fit, bien sûr, mais cette fois accompagnée d'un homme. Ce dernier a appuyé son appareil sur le bas de mon ventre, comme l'avait fait sa collègue quelques minutes plus tôt. Puis, il me posa des questions, si j'avais eu des saignements par exemple. Ensuite, il me dit de regarder l'écran. Enfin, j'allais voir mon bébé, il était temps ! Il m'a d'abord montré la forme de mon utérus, il m'a dit que ça correspondait à un utérus de 9 semaines. Puis, il m'a montré une forme à peine perceptible et m'a dit que c'était le f?tus, que celui-ci avait 6 semaines et que son c?ur ne battait pas. Ce moment a peut-être duré 5 ou 10 secondes, mais ça été suffisant pour que mon cerveau se fige à cet instant précis. Je revois encore cette forme un peu étrange, pas vraiment ronde et toute noire. Je ne voyais rien d'autres que du noir. Il n'y avait effectivement aucun c?ur qui bat. Le professionnel est partit en nous disant qu'il allait immédiatement contacter mon docteur et nous a laissé seul, mon mari et moi. Sans attendre je me suis redressés, nettoyés le ventre et mise à pleurer. Je ne comprenais pas pourquoi, pourquoi lui, pourquoi moi ?

J'étais rouge, plaquée, picotée, gonflée. Mon visage n'avait jamais ressemblé à cela auparavant, même lors de mes plus grandes peines. Je pleurais sans m'arrêter un instant, j'ai voulue crier et même frapper. Pendant une demi-seconde, j'ai même doutée. Et s'ils s'étaient trompés ? Après tout, je n'avais pas eu mal, même pas un peu. J'aurais voulue avoir mal, je voulais avoir mal. Pourquoi ce petit être était mort depuis 3 semaines et que mon corps n'avait pas daigné m'en informé ? J'étais fâchée ! Pas à cause de moi et surtout pas à cause de mon mari. Je ne me sentais pas coupable non plus, c'est seulement que j'avais du mal à saisir ce qui venait de se produire.

À 15h, je rencontrais finalement mon docteur. Jusque là, je me disais encore quelquefois que peut-être allait-elle me dire qu'il y avait quelque chose à faire. Je voulais y croire, même si au fond, je savais très bien ce qu'elle allait me dire. Elle n'a pas tournée les coins ronds et a été directe. Aussitôt étions-nous entrés dans son bureau qu'elle m'a dit ce qui allait arriver. J'avais deux choix. Soit je prenais un médicament qui allait provoquer le départ de l'embryon, soit j'allais immédiatement en salle d'opération pour un curetage. Le premier allait, selon elle, me causer de fortes crampes et d'intenses douleurs, sans compter les saignements abondants. Quant au second, juste d'y penser et j'en tremblais. J'avais déjà subie un curetage à la suite de la naissance de ma fille aînée. J'avais un placenta anormal qui ne voulait pas sortir et cette opération avait causée chez moi un fort traumatisme. Je revois encore les gros spots lumineux au-dessus de moi. J'avais les jambes attachées et par-moment, pendant l'opération, je me réveillais. Je revois encore cet homme à côté de moi qui me disait de lui serrer le poing, juste avant de me replonger dans un étrange sommeil. J'avais perdue tellement de sang, beaucoup trop de sang. Non, je ne voulais pas revivre ça ! Et si je dois souffrir pour faire sortir ce bébé de mon corps, alors soit. Lui a perdu la vie, moi je peux bien faire ça !

Sitôt partis de la clinique, mon mari a été se procurer ces étranges pilules à la pharmacie. Chez la première, il n'y en avait pas. Chez la seconde, ça a prit une éternité pendant laquelle je pleurais seule dans la voiture. Bien sûr que je n'étais pas sortie de la voiture pour suivre mon mari, j'étais bien trop mélangée entre la colère, la tristesse et même la honte. Je me sentais comme un cercueil sur pattes. Lorsqu'on est enceinte, on est fière de porter la vie. Mais moi, je portais la mort !
Le soir venu, je les ai prises. Une part de moi ne le voulait pas, j'étais angoissée et je craignais ce qui allait se produire. Une autre part de moi avait hâte que ça finisse. Les saignements ont débutés dans les heures qui ont suivis, les crampes aussi. Elles n'étaient toutefois pas aussi douloureuses qu'on m'avait dit et les saignements n'étaient, à mon avis, pas suffisamment abondants.

Au matin, je n'avais presque plus rien. Et à cette heure, non plus. Je crois que l'embryon est encore en moi. Après tout, le docteur m'a prévenu que ça pouvait ne pas fonctionner. Demain, je devrai recommencer. J'ai peur de le voir, tout rouge ou tout noir, je ne sais pas comment il sera et en fait je ne sais pas si je veux vraiment le savoir. Et s'il ne s'en va pas, je devrai finalement faire un curetage. J'ai très peur et ma peine est indescriptible. Je pleure un peu moins toutefois, pas parce que ma tristesse a diminuée, mais simplement parce que mon corps ne semble plus en être capable. J'ai hâte que mon corps ne soit plus l'hôte du bébé mort auquel je m'étais déjà tellement attachée. Mes pensées vagabondent constamment, je revois encore ces images que je m'étais dessinée dans mon esprit alors que je croyais que ce bébé continuait à grandir en moi. Je me vois le bercer, le cajoler et l'embrasser. Je me vois l'allaiter, lui changer la couche et même le photographier. C'est comme des souvenirs qui n'ont jamais existé et qui n'existeront finalement jamais.

Aujourd'hui, je suis gênée de me dire que peut-être, un jour, j'aurai cet enfant que je me suis tant imaginée, alors qu'en réalité il est mort et toujours là dans mon corps. J'ai même osée demander à mon mari si, un jour, il voudrait qu'on en ait un autre. Maintenant que j'y pense, j'ai honte d'avoir osée demander une telle chose alors que notre bébé n'est plus. Mon mari ne veut pas et sa décision semble être bien fixée. Après tout, cet enfant, nous ne l'avions pas prévu. Pourtant, je me suis mise à l'aimer au moment même où j'ai sue qu'il était là. Je dois désormais vivre le deuil de ce bébé, le deuil de ce rêve et le deuil de la maternité. Ça fait mal et c'est difficile de pleurer un bébé auquel seule moi s'était attachée.   

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