Lorsqu’il raconte une histoire, le pauvre Pinocchio voit son nez s’allonger : plus il ment, plus la longueur de son nez est impressionnante, permettant même aux oiseaux de s’y percher!
À force de faire peur aux gens du village en prétendant qu’un loup le menaçait, le pauvre garçon s’est, pour sa part, retrouvé seul face au danger lorsqu’une véritable menace s’est présentée devant lui, puisque plus personne ne le croyait. La morale est là, claire, nette, précise : si vous mentez, il y aura des conséquences. C’est d’ailleurs cette même morale que l’on sert aux enfants depuis belle lurette. Mais est-ce que les enfants mentent véritablement moins après avoir été ainsi mis en garde?
C’est la question que se sont posée les chercheurs de l’Université McGill, qui ont mené une recherche sur le sujet. Publiée dans Psychological Science, la revue scientifique de l’Association for Psychological Science, cette étude remet en doute l’efficacité de ce type d’histoire. En fait, les résultats de cette enquête suggèrent même que les Pinocchio et Le garçon qui criant au loup de ce monde n’empêchent pas les enfants de mentir, au contraire.
Une étude sur le sujet
D’une part, ils voulaient savoir si les enfants portaient vraiment attention au message véhiculé par l’histoire, ou est-ce que celui-ci « entre par une oreille pour aussitôt ressortir par l’autre », comme l’explique Victoria Talwar, du Département de psychopédagogie de l’Université McGill. Les chercheurs voulaient aussi s’assurer que ces récits incitaient les enfants à adopter des comportements honnêtes.
Alors, pour trouver quels contes avaient une influence positive sur les enfants, Victoria Talwar, Kang Lee, de l’Institut pour l’étude de l’enfance Dr Eric Jackman de l’Université de Toronto, et leurs collègues ont recrutés 268 sujets, tous entre 3 et 7 ans.
On a ainsi demandé à tous les participants de jouer à un jeu simple, qui consistait à deviner l’identité d’un jouet grâce au son qu’il produisait. Au milieu de la séance, le chercheur quittait la salle pour un court laps de temps, en demandant à l’enfant de ne pas regarder le jouet, laissé sur la table. La majorité d’entre eux n’ont pas réussi à résister et, par curiosité, ont bien entendu regardé.
À son retour, l’expérimentatrice lisait alors une histoire à l’enfant : soit Le lièvre et la tortue, Le garçon qui criait au loup, Pinocchio ou George Washington et le cerisier. Ce n’est qu’une fois l’histoire terminée qu’on demandait à l’enfant s’il avait, oui ou non, jeter un coup d’œil au jouet en question.
L’heure du conte
Les chercheurs ne s’attendaient pas à ceci, mais les histoires dans lesquelles le mensonge avait des conséquences sérieuses, comme Pinocchio et Le garçon qui criait au loup, ne se sont pas avérées plus efficaces que la fable du Lièvre et la tortue, qui n’avait aucun rapport avec l’honnêteté.
En fait, la seule histoire ayant eu un impact, et un impact positif, est celle de George Washington et le cerisier.
Dans cette histoire inspirée de la vie du premier Président des États-Unis, le jeune George Washington, voulant tester sa toute nouvelle hache, coupe le cerisier préféré de son père. Lorsque ce dernier s’en rend compte, il demande qui a ainsi abattu l’arbre. Incapable de mentir, le jeune George avoue sur le champ être le coupable. Au lieu de le réprimander, le père s’exclame : « Le courage et la sincérité de mon fils ont plus de valeur que mille arbres eussent-ils des fleurs d’argent et des fruits d’or! »
Renforcement positif
On a remarqué que les enfants à qui on avait raconté cette histoire avaient trois fois plus de chance d’être honnêtes. Pour en avoir le cœur net, les chercheurs ont poussé la note en changeant la fin de l’histoire de George Washington, une nouvelle version dans laquelle le père punissait son fils. Les enfants à qui on a lu cette relecture négative n’étaient plus portés à dire à la vérité plus que les autres. « Notre étude montre qu’il est préférable de souligner les conséquences positives de l’honnêteté plutôt que les conséquences négatives de la malhonnêteté pour inciter les enfants à adopter un comportement juste », conclut Kang Lee. Elle ajoute aussi que cette méthode pourrait s’avérer très efficace pour modifier d’autres comportements moraux. Par ailleurs, Victoria Talwar confie avoir changé ses méthodes parentales et avoir adopté cette approche positive!
Source : Can Classic Moral Stories Promote Honesty in Children?, Kang Lee, Victoria Talwar, Anjanie McCarthy, Ilana Ross, Angela Evans, Cindy Arruda