C’est devenu un réflexe presque aussi naturel que manger. On vit un beau moment, on le prend en photo et on publie sur Facebook ou Instagram pour partager notre joie. On documente notre vie. Les amis et la famille s’y sont habitués. Les amis qui se plaignaient autrefois de se retrouver sur les réseaux sociaux sans leur consentement n’y sont plus depuis belle lurette ou nous ont bien avertis de ne jamais mettre leur photo nulle part. Nos jeunes enfants, eux, n’ont pas encore d’opinion à ce sujet, mais on montre leur quotidien à tout le monde quand même. Est-ce qu’on devrait arrêter?
La honte
Évidemment, toutes les publications ne sont pas égales aux yeux de nos enfants. Quand on montre notre enfant en train de faire un bricolage chez grand-maman, ce n’est pas du tout la même chose que de le montrer assis sur la toilette ou tout nu. Une photo ne vaut pas l’autre. Réprimander un enfant en public n’a pas du tout la même valeur que le féliciter pour avoir gagné une médaille. Vouloir faire de la gaffe de son enfant quelque chose de viral n’est pas une aussi bonne idée que de publier une cascade de chats.
Si, en publiant, vous vous dites que votre enfant va vous en vouloir en grandissant, c’est probablement que vous devriez publier avec plus de discernement. Ce n’est pas drôle de faire honte à son enfant. C’est déjà assez difficile pour les jeunes de marcher sur la corde raide des relations interpersonnelles sans que les parents viennent démolir tous leurs efforts en les ridiculisant. Si ça peut être drôle d’agacer ses enfants en privé, en public, ce l’est moins.
D’ailleurs, le New York Times a récemment publié un article au sujet d’une recherche universitaire qui démontrait que les enfants n’aiment pas toujours quand les parents publient des choses à leur sujet. Une adolescente y soulignait que c’était parfois gênant, surtout quand leurs amis suivent leurs parents et voient des choses qui auraient dû rester en famille. Si c’est suffisant pour donner envie à vos enfants de se tenir loin de vous pour ne pas avoir honte, c’est que vous devriez arrêter de publier à leur sujet.
Le temps perdu sur Facebook
Un autre aspect auquel on ne pense pas toujours, c’est le temps qu’on dépense à publier des moments. Pendant qu’on est en train de vivre un moment d’une grande beauté, au lieu d’en profiter pleinement et de le partager avec les gens présents, on a pris le réflexe de vouloir le partager avec des gens absents et des inconnus.
Pourtant, si on vit de beaux moments, on devrait les vivre à fond et montrer à nos enfants qu’ils comptent vraiment et qu’on doit profiter du temps passé ensemble. Publier pour des gens que la famille ne voit pour ainsi dire jamais devrait toujours être secondaire. On aura toujours le temps de le faire plus tard, non?
La vie privée
Pour ce qui est de la sécurité, c’est à vous de revoir vos paramètres de diffusion. Si l’information que vous publiez au sujet de vos enfants est publique, vous vous exposez à ce que des inconnus la voient.
Je ne me souviens plus qui disait que les fameux autocollants qu’on colle sur les voitures donnaient aux inconnus malveillants une longueur d’avance en leur donnant des informations sur notre famille, mais cette réflexion a du sens selon moi.
Cette personne expliquait que les criminels, en vous suivant un peu, peuvent apprendre à quelle école la plus jeune va, si vous êtes monoparentale, si vous avez un chien, etc. Toutes ces informations lancées en l’air ne vous servent vraiment pas autant qu’elles peuvent vous nuire.
Pour les informations publiques sur Facebook et Instagram, c’est pareil. On y voit quel parc vous fréquentez, l’école de vos enfants, ce qu’ils aiment, etc. Idéalement, vous devriez seulement montrer des photos familiales à un public restreint, en bloquant l’accès public de votre compte Instagram, par exemple, ou en limitant vos histoires familiales à vos amis seulement.
En plus, de nombreuses questions éthiques se posent au sujet de tous les réseaux en ce moment. J’approfondirai probablement la question dans un autre article, mais disons que le fait d’être aussi présent sur Internet depuis la tendre enfance donne beaucoup de matériel aux compagnies de marketing et aux pirates informatiques. Comme le dit Glenn Greenwald, un spécialiste de la question de la vie privée sur le Web, on a tous quelque chose à cacher et on n’a pas besoin d’être un criminel pour avoir besoin d’un jardin secret. En d’autres termes, si on peut garder nos enfants à l’abri d’Internet jusqu’à ce que ces questions soient réglées, mieux vaut le faire.
Et vous?
Le dernier aspect vous concerne vous, plutôt que les enfants. C’est la raison pour laquelle les gens vous suivent. À force de centrer notre vie sur nos enfants, on oublie parfois que nos amis nous aiment, nous, pour ce que nous sommes. Plutôt que de donner des nouvelles de toute votre famille, pourquoi ne pas partager vos découvertes, vos blagues et vos expériences avec vos proches? C’est pour ça qu’ils étaient là au départ et vos amis seront peut-être bien heureux d’avoir des nouvelles de vous et pas seulement de votre famille.
