La déterminée et envieuse enfant que j’étais a été, indubitablement et amèrement, désappointée de Noël en Noël. Il semblerait que mes parents, cachés derrière les décevantes réponses du père Noël, croyaient fermement qu’un enfant ne devait pas obtenir tout ce qui se trouvait sur sa liste de cadeaux. Pour eux, il s’agissait de souhaits et non d’une commande magique. Je les ai tellement détestés, lorsque j’ai compris que le gros bonhomme rouge n’était qu’un mensonge éhonté et que c’était de leur faute si je n’avais pas TOUT. Bref.
Près de 40 ans plus tard, je peux leur dire merci. Quand je « swipe » sur Instagram, je ne souhaite pas obtenir TOUT ce que j’y vois : la beauté, les voyages, le corps de rêve et autres conneries. J’imagine que c’est parce que je regarde toute cette myriade de bonheurs fabriqués comme je regardais les pages du catalogue Sears après avoir découvert le pot aux roses : aucune entité magique ne m’apportera jamais, jamais, jamais, jamais, toutes ces belles choses.
L’ancêtre d’Instagram
Quand on y pense, on a rien inventé. Le catalogue Sears était là, bien avant Instagram, pour nous vendre le rêve plus-que-parfait. Des femmes, au sourire plus grand que nature, dans des décors immaculés de beauté, nous vendaient une vie et des bébelles dont on ne pouvait se passer. Les uns tournaient les pages avec un certain détachement, tandis que les autres voulaient vivre et posséder tous les détails de cette vie en papier glacé. Rien de moins. Sans oublier les jeunes filles qui souhaitent ressembler aux femmes filiformes du célèbre magazine et les jeunes hommes qui s’émoustillaient devant ces corps parfaits en sous-vêtements. À croire que seul le média a changé.
A-t-on déjà vu un catalogue dans une poche?
Une différence majeur demeure : personne ne transportait son catalogue Sears dans sa sacoche ou dans ses poches, pour le regarder aux deux minutes. Et au bout d’un moment - puisque contrairement à Instagram il fallait attendre la prochaine saison pour avoir du nouveau contenu - on se lassait des mêmes images et le catalogue terminait en cocottes pour allumer le foyer. Parce qu’après tout, ce genre de contenu ne sert qu’à alimenter des feux de paille, non?
Fais-toi un cadeau
La convoitise n’est pas propre à notre génération. On la retrouve autant chez les enfants que chez les adultes, depuis toujours. Seulement aujourd’hui, l’offre est omniprésente et omnicanal. Il est ardu de la fuir. Pour Noël, fais-toi un cadeau et lâche Instagram. On se souvient, et on apprend à nos enfants, qu’il est impossible de tout avoir et d’être ces autres que l’on trouve si chanceux, beaux et tralala. Quand l’image prend vie, le filtre disparaît… rappelle-toi de ça.
Publication initiale décembre 2018