Moi aussi, bon, j’aimerais ça avoir le temps d’identifier mes conserves (maison) avec des étiquettes (faites à la main) comme le fait la belle Marilou. J’aimerais ça les classer par grandeur et par couleur sur mon nouveau comptoir immaculé et propre de chez propre.
Je voudrais TELLEMENT que mes repas ne ressemblent pas tous à une toile de Pollock. Mais t’sais, chez nous, l’important, c’est que la bouffe arrive sans délai sur la table. On s’en sacre un peu que ce soit beau. « Plus vite maman, plus vite ! » qu’ils scandent mes enfants.
J’suis pas nouille. T’sais, je le sais que ce n’est pas la vraie vie, que c’est juste de la poudre aux yeux. Qu’elle aussi, Marilou, des fois elle doit se sentir comme un torchon brûlé et oublié. Sauf que…
Quand je porte (encore) mes vieux jeans troués, que j’ai (encore) l’air d’une échalote molle avec ma couette toute croche pis mes cheveux gras, que je viens de passer (encore) 2 heures dans le trafic, qu’il y a (encore) une note dans l’agenda du plus vieux parce qu’il a (encore) dérangé toute la classe avec ses bruits de bouche, que ma sauce à « spag » est (encore) entrain de cramer sur le feu parce que je console (encore) mon milieu qui pleure (encore) parce qu’il ne comprend (encore) rien à ses devoirs et que mon plus jeune cri (encore) « Viens m’essuyer, j’ai fait caca! », dans ce temps-là…
Dans ce temps-là, Marilou, tu m'énerves (encore).
Je le sais ben que c’est du chiqué. Je le sais que c’est le reflet d’une vision déformée. Je LE SAIS mais quand je me sens moche, laide, inadéquate et que les comptes s’accumulent sur mon bureau, quand la perfection apparente des Marilou de ce monde, l’opulence suggérée de leur mode de vie et leurs enfants-plus-que-parfaits se dressent devant mes yeux : JE LE SAIS PU! Leurs vies instagramées et placardées sur des magazines me font l’effet d’une gorgée de Buckley sauf que c’est juste dégueulasse et que ça me fait zéro bien.
Faque là, je vais pleurer un bon coup, cachée-dans-la-salle-de-bain-parce-qu-une-mère-ça-pleure-pas. Après 5 minutes, je vais ressembler à Marilyn Manson sur le party, je vais retourner à ma petite vie. Pis après le souper, je vais niaiser sur Instagram et je vais me pâmer sur les photos, la déco, les vêtements et les recettes de Marilou. Parce que t’sais, dans le fond, je l’aime Marilou.
Des fois, il n’y a rien à comprendre. Des fois, je crois qu’on a le droit d’être à bout.
Publication initiale le 2 mai 2018