Babillage, proto-conversation, premiers mots, parole fluide et expression vocale affirmée : durant les premières années de vie de l’enfant, sa voix traversera plusieurs étapes et subira de nombreux changements lui permettant de passer de l’exploration de son corps et de son milieu à l’entrée en relation avec les autres.
Le développement global de l’enfant repose sur plusieurs facteurs, qu’ils soient cognitifs, sociaux, environnementaux, identitaires, biologiques ou encore relationnels. Bien entendu, un enfant vivant dans un milieu sain et dans lequel de nombreuses sources de stimulation sont offertes aura de bonnes chances de s’épanouir, tant physiquement, affectivement, qu’intellectuellement. Le bébé développera un système de communication avec les personnes qui l’entourent et établira ses références culturelles dans ce contexte relationnel.
D’ailleurs, avant de partir à la découverte de ce système, revenons à la base et revoyons la définition du mot communication. Le dictionnaire Larousse nous propose ceci : Action de communiquer avec quelqu’un, d’être en rapport avec autrui, en général par le langage; échange verbal entre un locuteur et un interlocuteur dont il sollicite une réponse.
Le fœtus et le nouveau-né
Nous avons déjà mentionné, dans un article précédent, que le fœtus est apte à entendre des sons dès les derniers mois de grossesse. La voix de sa mère étant la plus présente, l’enfant est d’ores et déjà exposé à une langue spécifique. Durant son séjour dans l’utérus, il entend des sonorités, des syllabes, des voyelles avec lesquelles il se familiarisera et qu’il pourra même reconnaître une fois né. D’ailleurs, des études1 ont démontré que des bébés arrivaient à faire la différence entre leur langue maternelle et une langue étrangère par la reconnaissance de certaines voyelles, et ce, dans leurs premiers mois de vie seulement. Aussi, des chercheurs ont constaté que les nouveau-nés ont un niveau de succion différent lorsqu’ils entendent une voix parlée, en comparaison avec d’autres sons. Les petits sucent leur tétine plus rapidement s’ils sont exposés à une langue ou à des sons qu’ils ne connaissent pas. Cependant, ils deviennent plus calmes s’ils entendent leur langue maternelle ou des sons habituels. La voix connue de l’enfant, celle de sa mère, de son père ou des personnes de son entourage proche, avec sa structure propre (timbre, intonation, hauteur, etc.), représente donc un paramètre essentiel dans l’élaboration des bases de son environnement linguistique.
Au niveau anatomique, il est intéressant d’apprendre que le larynx de l’enfant, cartilage se trouvant dans la gorge et accueillant les cordes vocales, ne se trouve pas encore dans sa position finale. Comparativement à la position du larynx adulte, il est plus haut, évidemment plus petit et par conséquent, les cordes vocales sont aussi plus courtes. Cela explique bien pourquoi le jeune enfant émet des sons aigus lors de ses explorations vocales et de son babillage. Le larynx subira ensuite des modifications au fil des ans pour aboutir à sa forme définitive après la puberté.
Du babillage à la parole
Pour l’enfant, la voix est un outil de découverte et d’exploration. Pour s’amuser et surtout pour stimuler l’enfant à explorer l’éventail des possibilités que lui offre sa voix, l’adulte utilise habituellement d’instinct la proto-conversation, l’interaction caractérisée par un langage au vocabulaire simplifié, au rythme plus lent, avec des gestes, des répétitions fréquentes et une voix chantante plus aigüe. Ce moyen de communiquer a une grande valeur dans le processus d’apprentissage du bébé. Marie-France Castarède avance même dans son livre Au commencement était la voix que l’absence totale de ce « parler bébé » pourrait mener à des pathologies telles que l’autisme. Cependant, quand vient le temps d’apprendre une notion à l’enfant, quand le contexte est plutôt celui de l’apprentissage, des études2 démontrent qu’il est préférable d’utiliser une voix normale, celle que l’adulte utiliserait dans une conversation avec un autre adulte, car la voix normale stimule son intellect. Comme le langage des parents influence l’évolution de l’enfant, il est important de s’adresser à lui avec une parole complexe et de qualité. Ce faisant, le cerveau du petit connaîtra un meilleur développement et lui permettra de mieux apprendre tout au long de sa vie.
Nous avons vu que dès la naissance, le bébé possède une magnifique capacité d’apprentissage, due entre autres à la grande plasticité de son cerveau. Pourtant, l’acquisition du langage est complexe et requiert plusieurs années de pratique et d’assimilation. L’enfant retire beaucoup d’informations dans la parole de son interlocuteur, même s’il ne peut déchiffrer le sens de tous les mots. Pour lui, la mélodie du message est plus importante que les mots eux-mêmes.
Bébé communique
Quand votre enfant commence à parler, dites-vous que même si vous ne comprenez pas toujours le sens de ce qu’il tente de vous exprimer, son message est important. En répondant à ses mimiques, aux sons qu’il émet et à ses demandes, vous lui faites comprendre que la communication est importante et qu’elle influence ce qui l’entoure.
Voici quelques pistes à suivre afin d’aider votre enfant dans le développement de ses aptitudes langagières :
- De façon régulière, prendre un moment pour répéter des mots (des objets qu’il aime, son prénom, des animaux, etc.);
- Parler plus lentement et simplifier le message;
- Parler devant l’enfant pour que celui-ci puisse voir votre bouche;
- Lire à haute voix pour ou avec l’enfant;
- Illustrer le propos par des gestes, des expressions faciales ou physiques, des images;
- Encourager l’enfant à parler et à faire des gestes si vous ne comprenez pas ce qu’il dit;
- Prendre plaisir à chanter des chansons et des comptines.
La voix chantée
La musique est un art très intime. Elle raconte notre vécu, notre expérience, notre histoire. Le chant, la poésie ou toute autre expression de la parole représente donc une belle vitrine pour l’apprentissage de notre culture. La voix, sensible et expressive, est un véhicule formidable pour transmettre à l’enfant un bagage culturel, une vie émotionnelle, une créativité et aussi, les fondements essentiels pour une maîtrise éventuelle du langage parlé. Nul besoin de bien chanter ou de chanter juste, l’enfant apprécie plus que tout le son de la voix de ses parents. Il suffit de se laisser aller et d’avoir du plaisir à chanter. Votre bébé partagera ce moment avec vous et cette communication mutuelle lui apportera beaucoup plus que ce qu’on pourrait croire.
Pour vous inviter à poursuivre dans l’échange vocal et musical avec votre enfant, voici différents critères de sélection afin de choisir des comptines et des chansons intéressantes pour lui :
- Sujet qui intéresse l’enfant;
- Mélodie simple;
- Texte court;
- Paroles faciles à comprendre;
- Rythme vif pour les périodes d’éveil et lent pour les périodes calmes;
- Présence de rimes;
- Répétitions fréquentes;
- Possibilité d’ajouter des gestes pour accentuer le sens des paroles.
Nous conclurons en disant qu’au-delà des notes et des syllabes, le contour mélodique est un mode d’expression commun au chant et à la parole. Les enfants, dès leurs premières heures de vie et tout au long de leur jeunesse, gagnent à y être exposés le plus souvent possible et de façon variée. Leur réceptivité à cet âge est renversante! De plus, en profitant de ces beaux moments, le renforcement du lien affectif parent-enfant qui se tisse à travers cette voix est indéniable.
Références
- Moon, C., Lagercrantz, H. and Kuhl, P. K. (2013), Language experienced in utero affects vowel perception after birth: a two-country study. Acta Paediatrica, 102: 156–160. doi: 10.1111/apa.12098
- Hoff, E., Context effects on young children’s language use: The influence of conversational setting and partner, First Language, August 2010, vol. 30: 461-472, doi:10.1177/0142723710370525