Ajouter un membre à la famille représente un énorme défi. Nous rêvons tous de la famille harmonieuse, et en secret, nous espérons faire mieux que notre propre fratrie. On le sait, c’est un sujet sensible, parfois même douloureux. Alors évidemment, lorsque nous sommes confrontés au réel, il n’est pas évident d’accueillir nos émotions qui sont souvent ambivalentes.
La dualité est totale. On se sent toujours déchiré, et c’est bien normal. Vouloir offrir autant au petit dernier, mais se morfondre de ne plus arriver à donner ce que l’aîné avait déjà. Manque de temps, l’adaptation, la fatigue… Les parents souffrent généralement du syndrome de « l’équitabilité aigue ». Ils veulent donner autant et surtout être le plus juste possible. Ce serait sûrement cela la définition du bon parent : distribuer autant à chacun de nos enfants.
Des besoins différents
Or, les enfants, selon leur âge, leurs phases et leur tempérament, n’ont pas toujours les mêmes besoins. C’est clairement une piste de réflexion car donner équitablement ne signifie pas donner autant ou la même chose, au même moment.
Nous découvrons également que, malgré une éducation assez similaire, nos enfants ne réagissent pas de la même manière. ll est donc important de reconsidérer notre relation pour faciliter les rapports entre les membres de la famille et surtout, observer nos enfants; répondre à leurs besoins implique de répondre à ce dont l’enfant a (vraiment) besoin – et non à ce qu’on imagine de ses besoins. Rester à l’écoute demeure la meilleure stratégie pour diminuer notre culpabilité, et surtout pour nous donner confiance en notre compétence de parent.
De grandes attentes
Nous avons malheureusement beaucoup d’attentes en tant que parent. La fratrie est un sujet central et il engendre régulièrement des déceptions et de la frustration. Si les frères et soeurs s’entendent bien, nous recevons un peu cela comme une réussite de notre éducation. C’est extrêmement valorisé socialement : la famille heureuse qui s’entend, partage et s’aime. Nous attendons des aînés qu’ils prennent beaucoup sur eux car ce sont les grands, les raisonnables. Des petits nous voudrions qu’ils collaborent et qu’ils comprennent rapidement pour pouvoir vite interagir avec les plus grands et rencontrer l’harmonie, le but ultime, et ce, le plus tôt possible.
La famille est une micro société et il est normal de rencontrer des désaccords, des conflits. Cela fait aussi partie de l’apprentissage et du développement des enfants. Partager l’espace, le temps, les soins, l’attention, c’est un travail de longue haleine et plus nous sommes conscients des difficultés sans les nier, plus il sera facile d’accueillir les émotions de nos enfants, et les nôtres! Cela réveille en nous les souvenirs de notre enfance, de notre propre fratrie, notre place dans la famille, la gestion des conflits, certaines blessures, certains irritants ou des envies difficiles à atteindre.
Vivre des conflits
Avoir des conflits, vivre des conflits, c'est plus que normal! Nous avons la fâcheuse tendance à nous poser en arbitre entre les conflits de nos enfants puisque nous visons l’harmonie.
J’ai observé, à maintes reprises, que moins nous nous mêlons de leurs affaires et plus ils usent de stratégies et de compromis pour cohabiter et trouver un consensus. Chacun doit trouver sa place et définir ses affinités. Cela prend des essais... et de la patience. Beaucoup d’enjeux sont mis de l'avant par la fratrie; c’est un excellent terrain de jeu et d’apprentissage car les enfants sont confrontés aux besoins de communiquer (nommer leurs besoins, entre autres) et de flexibilité.
Nous sommes des guides et il est important de rester en périphérie avant d’intervenir trop rapidement. Il est important de faire confiance à nos enfants et aux valeurs que nous leurs transmettons chaque jour.
Nous voudrions protéger nos enfants de la peine, de l’injustice ou des blessures, c’est notre noble mission et, dans l’enceinte de la famille, ils sont accompagnés. Nous pouvons nous ajuster et nous rajuster.
Derrière les disputes, il y a des besoins non comblés. S’il vous est possible de prendre du temps avec un enfant à la fois pour ramener l’équilibre, cela diminuera les crises lors des phases plus sensibles. Donner beaucoup d’amour à celui qui fait du trouble est aussi une manière de lui rappeler qu’il est aimé et qu’il a sa place parce qu’il finit par en douter. Permettre à chacun des enfants d’exprimer ses émotions, ses sentiments d’injustice et ses sensations augmentera sa confiance en vous, il ne se sentira donc plus menacé.
Avoir de l'espace
Pour que chacun puisse préserver son espace, il me semble nécessaire qu’il y ait des endroits, des jouets à chacun, qu’on peut garder pour soi. On peut aussi avoir des espaces et des jouets communs, qu’il est possible de partager lorsqu’on est d’humeur à le faire. Mais permettre aux enfants de se retirer dans leur espace propre les rassurera quand ils se sentiront envahis et un peu débordés par tout le remue-ménage alentour.
La fratrie est une aventure qui fluctue, alors même si certaines phases sont difficiles, il est possible de changer l’énergie pour repartir sur des bases plus saines. Prendre du recul demeure la stratégie gagnante.
Sources
- Relations frères-sœurs : Du conflit à la rencontre de Catherine Dumonteil-Kremer
- Frères et soeurs sans rivalité d'Adèle Faber et Elaine Mazlish